Il est dur de comprendre ce qui motiva Julius Avery à réaliser Overlord, dernière production de la société de J.J. Abrams, Bad Robot, drôle de délire sur la Seconde Gurre Mondiale à l'efficacité terrible lors de ses scènes de guerre, auxquelles sera ajouté une personnalité horrifique aux relents d'épidémie répugnante qui fait forcément penser au mode zombie de Call of Duty : Black Ops, les super-pouvoirs en plus. Et s'il fut vendu sur son aspect horrifique, nul doute qu'il déçut beaucoup de monde du fait de sa promotion désastreuse et mensongère.
Car Overlord, loin du survival horrifique annoncé, présente une montée progressive dans le drame historique, développe ses personnages encore plus que son background expérimental en choisissant des personnages caricaturaux mais suffisamment bien interprétés pour avoir tous une personnalité propre, et réussit de façon surprenante ses scènes de combat à l'arme entre alliés infiltrés et allemands tortionnaires, affreux et cruels.
Si l'on savait qu'Overlord serait un film fantaisiste, il était dur de s'attendre à une telle réécriture de l'histoire : brisant l'idée selon laquelle les allemands auraient été plus proches des automates conscients que des démons en uniforme (ceux là correspondraient plus aux américains en pleines exactions), il tente d'américaniser le soldat allemand en le rendant vulgaire (il crache sur des cadavres, mâche des chewing-gum la bouche ouverte), suffisamment vicieux et intéressé pour piller, violer, terroriser la population (les fameuses exactions moins présentes du côté de l'Allemagne que de l'Amérique, malheureusement), alors que le soldat américain, beau et propre sur lui (au contraire de l'allemand, à la dégaine sale et laissez-aller), défendra la veuve et l'orphelin en faisant preuve d'une classe héroïque propre au cinéma de propagande.
Si l'on omet cette réécriture de l'histoire, le reste demeure un bon divertissement : que l'on pense au premier plan-séquence, absolument incroyable et d'une efficacité redoutable, ou aux missions remarquables des commandos séparés dans la ville, le spectateur venu pour être divertit en ultra-violence avec supplément explosions ne sera jamais déçu, à part, peut-être, s'il s'attend à un film d'horreur brut et bourré de jumpscares.
Ce qui intéresse, visiblement, Avery dans Overlord tient plus du drame de la petite histoire que de l'intrigue glauque qu'il nous raconte, et qu'il passe rapidement en revue en laissant du mystère pour nous laisser interpréter comme on veut les origines du délire, et partir alors sur l'annihilation des hommes de guerre, protagonistes comme antagonistes qui connaîtront tous un destin particulier.
En ce sens plus proche de la dimension psychologique des grands films de zombies de George A. Romero (on songe coup sur coup à La Nuit des Morts-Vivants pour le personnage principal ainsi qu'à la violence du Jour des Morts-Vivants) que des excès spectaculaires actuels, on y retrouve aussi le glauque et le gore de la vague de films de morts-vivants italiens des années 70-80, notamment du Lucio Fulci.
Overlord est jouissif en cela qu'il s'inspire de la première génération du cinéma de zombies pour le mêler aux techniques horrifiques actuelles (les jumpscares, heureusement discrets, restent agaçants), qui consistent souvent à mélanger afin de faire ce qu'on a du mal à faire actuellement dans le cinéma de divertissement grand public, innover. Ainsi, mêler le délire d'Il faut sauver le soldat Ryan à aux horreurs visuelles de Fulci tient plus du fantasme de fan de cinéma que de l'amateur de Call of Duty.
Assurément cinéphile, Julius Avery met en oeuvre, sur un scénario de Billy Ray et Mark L. Smith une descente aux enfers passionnante toute sa première heure, dans laquelle il affiche une efficacité de guerre rare à voir de nos jours, clairement imagée en suivant l'esthétique des jeux vidéos d'horreur (c'est en fait plus proche des Wolfenstein), couleurs pétaradantes à la Gardiens de la Galaxie et explosions à tout va ultra-présentes.
Du reste, on retiendra une équipe de soldats américains attachante bien qu'ultra-stéréotypée, entre un Jovan Adepo à l'évolution prévisible mais impressionnante et le fils de Kurt Russell, Wyat Russell, qui tient là un rôle important bien que secondaire, et propice à étaler tout son charisme au côté de la grande gueule du film, Pilou Asbaek en officier allemand absolument immonde et génial hommage aux méchants clichés et cruels des films surnaturels à tendance naziesque. Hystérique, il incarne le mal avec un plaisir visible, surjouant sans jamais être ridicule, tout en restant suffisamment dans l'excès pour assoir le côté série b sincère à cet Overlord, petite surprise à mi-chemin entre le film d'horreur et le film de guerre.
Si l'on aurait préféré deux films différents, l'un purement de guerre l'autre d'horreur (peut-être un Overlord en deux parties bien disctinctes d'une heure trente chacune, finalement), il reste certain qu'Overlord est un bon film bien violent et très généreux, jouissif de bout en bout jusqu'à son affrontement final explosif et bien stéréotypé, ultime baroud d'honneur placé en guise de dernier moment de bravoure intense.
Grâce à sa violence bien esthétisée couplée à l'efficacité d'une mise en scène qui gère avec maîtrise sa tension et les frissons qu'elle transmet (notamment grâce à ses maquillages très réussis, à la fluidité de son montage ainsi qu'à la présence bien dosée de sa bonne bande-son), Overlord se place comme un petit bijou d'ultra-violence et de générosité d'action dégueulasse, jouant aussi bien sur l'intimité de son manque de budget (les scènes dans la baraque avec le gosse sont charmantes) que sur le grand n'importe quoi visuel de sa proposition d'intrigue, vecteur fantastique de séquences d'action jouissives et de poursuites haletantes.
Un excellent divertissement qui ne déçoit pas une seconde. Il aurait pu être écrit de manière plus fine, mais en aurait surement perdu son aura adorable de série b entièrement assumée. Un plaisir !