A travers ce regard d'enfant, un Blockbuster sincère.
Sacrée anomalie que ce Pacific Rim, qui débarque dans un été (pourri ?) trusté par les prequels et des sequels à n'en plus finir. Aucune star, pas de franchise mondialement connue et un réalisateur rompu aux séries B, qui n'a jamais excédé (bien que des succès commerciaux par rapport à leur budget) 150 millions de dollars de recettes monde, soit moins que le budget étourdissant de 190 millions de dollars de son dernier long-métrage...
Grosse prise de risque en somme pour Del Toro, qui devra rameuter plus que ses fanboys dans les salles pour transformer l'essai.
Bon, le défi n'était pas vraiment de faire mieux que Transformers ou Godzilla (artistiquement j'entends), car peu de monde avait de doute la-dessus, vu la quasi-nullité de ces productions. C'était de savoir si le talent et l'originalité du réalisateur Mexicain n'allaient pas se diluer dans les impératifs du genre.
Car il ne faut pas l'oublier, on est tous venus voir les Jaegers et les Kaijus se mettre sur la gueule !
Dès la longue séquence d'intro(un modèle de narration), on est tout de suite plongé dans l'ambiance, et on en a pour notre argent ! Ce premier affrontement m'a décroché la mâchoire, pas seulement par la qualité des ses effets spéciaux, ni par une mise en scène inventive, mais aussi par les implications humaines de chaque combat. En effet, les robots sont pilotés par un duo (à l'intérieur), grâce à la télépathie, et chaque coup encaissé est perçu réellement, y compris par le spectateur. Ce sera le fil conducteur du film : introduire l'homme à travers la machine, ce qui maintiendra les enjeux dramatiques au niveau des combats titanesques.
Le temps du film, je suis redevenu un enfant, comme son réalisateur qui ne s'est rien interdit avec son jouet. Les références sont nombreuses avec Evangelion et Metal Gear en tête, ce sont plus généralement les combats de géants de notre enfance qui sont ici transcendés. L'ambiance apocalyptique est bien présente, tant le soin apporté à ce monde en ruine est criant de vérité. Les décors souvent industriels des bases, suintent de poussière et de rouille, sublimés par une photographie superbe, chaleureuse et contrastée(le Hong-Kong pop).
Et bien évidemment les Kaijus et les Jaegers (surtout !) sont les vrais stars du film. Avec des designs et des techniques de combat variées, on ne se lassera jamais de ces batailles épiques en mer, sous l'eau, dans un Hong Kong dévasté, et même dans les airs !
Malgré des séquences toujours de nuit et sous la pluie, le montage est toujours LI-SIBLE, et le réalisateur ne cherche jamais à nous enterrer sous un déluge de destruction massive non-stop usante et fatigante(j'ai atteint mon niveau de saturation depuis quelques temps...voir mes critiques récentes), en s'autorisant plusieurs respirations dans ces séquences. Sans parler de quelques plans vraiment inédit, dont je vous laisse le plaisir de la découverte.
C'est tout simplement jouissif, régressif de soutenir son Jaeger face aux Kaijus au bestiaire démentiel.
Pour couronner le tout, le score de Ramin Djawadi (Game of Thrones) soutient judicieusement ces moments, sans trop en faire (ou pas assez pour certains).
Pour autant, Del Toro s'est attaché à la crédibilité de son background, et de ses personnages. Dans ce premier degré assumé, quelques séquences assez drôles viendront aérer le récit, mais surtout l'exploration de chaque pilote viendra leur donner un semblant d'épaisseur.
Car oui, malgré tous ces efforts, les personnages sont souvent caricaturaux, handicapés par des acteurs de seconde zone, pas à la hauteur des enjeux. Heureusement, Idris Elba tient la barre, et Ron Perlman nous..euh je vous laisserai savourer. En revanche, le seul rôle féminin est sans doute le plus intéressant, Mako, qui n'est pas là pour faire la biatch de service(sa première apparition sous la pluie est juste sublime)... Quant aux scientifiques et aux autres pilotes, ça va de l'anecdotique à mauvais..
Autre grief, qui nous rappelle que - faut pas déconner - on est quand même dans un blockbuster, tous les passages obligés s'enchaîneront très mécaniquement (instants de bravoure, le sacrifice, l'amourette naissante, happy end). C'est clairement sur cette partie là que le contrat n'est pas honoré par Del Toro, et va diviser les critiques. On bloquera sur cet aspect, ou on s'abandonnera, comme moi, au trip de ce geek authentique.
Mais comme la narration est tellement fluide et maîtrisée, le scénario -certes classique- reste suffisamment étoffé pour maintenir la tension jusqu'à son dénouement.
A ce propos, un conseil, restez dans la salle jusqu'au bout du générique de fin...
Voilà, je crois que tout est dit, Del Toro nous fait partager une fois de plus sa fascination pour les monstres, ses peurs enfantines(notamment avec un joli flashback sur Mako), à travers son génie de metteur en scène et de conteur.
Merci pour ne pas avoir trahi le spectateur (la promesse client diront les financiers de la Warner), pour nous offrir un putain de blockbuster (pour moi un nouveau standard en terme de mise en scène et d'effets spéciaux, pour le genre), sincère malgré ses limites et ses facilités scénaristiques.
Guillermo, bienvenue dans la cour des grands !
PS: Ben pour une fois, la 3D convertie n'est pas à fuir.