Après une (pas si) petite pause en début d’été, retour aux choses sérieuses. Et quoi de mieux pour ça que le dernier Guillermo Del Toro, l’homme aux mille arlésiennes ? On attend ses Montagnes hallucinées depuis bien des années, Pinocchio reste à l’état de projet, Hellboy 3 est un jour une possibilité, un autre non… En attendant, c’est sur son projet de loin le plus coûteux que nous le retrouvons. Presque 200 millions de dollars, c’est le genre de budget hollywoodien qui a fait tourner la tête de plus d’un, et qui implique déjà une sacrée prise de risque de la part du studio (son impressionnant Hellboy II n’en avait coûté « que » 85 en comparaison).

A côté de cela, le mexicain a démontré à de nombreuses reprises sa capacité à assimiler les règles d’Hollywood et à tenir un budget serré, mettant toujours en avant sa créativité et une profonde sincérité, une véritable passion pour son travail qui le distingue du tout venant des réalisateurs de blockbusters. Du modeste film de monstre ultra référencé (Mimic) aux superhéros, en passant par le conte horrifique (L’échine du diable et Le labyrinthe de Pan), Del Toro réussit tout ce qu’il tente, parce qu’il ne tente que ce qui le passionne. Même dans une simple commande comme Blade II, il s’implique suffisamment pour en faire quelque chose de plus personnel et bien plus jouissif que les deux autres, une vraie leçon pour tous les yes men du milieu. Pour l’anecdote, il a n’a accepté la 3D qu’à la condition que la conversion démarre dès le début du tournage, là où elle se fait habituellement en un ou deux mois vite fait avant la sortie, résultat elle est plutôt efficace et pas désagréable à l’œil.

Assez digressé, revenons à nos robots. Des robots géants contre des monstres géants (ou jaegers contre kaijus, ça sera plus court), c’est un rêve de gosse qui se réalise pour Del Toro. Difficile de ne pas repenser à cette période où deux figurines de plastique que l’on entrechoquait à coup de « boum », « vvviiiiiouuuum » et autres « krrssshhh » (dur de faire une explosion ou un effondrement à l’écrit) suffisait à nous amuser pendant des heures. Ici, il nous propose de nous amuser pendant deux heures avec la version adulte de cet univers, et de retrouver un peu de ce que l’on perd tous avec l’âge : une imagination débridée couplée à une fascination béate. C’est un peu le film que l’on aurait tellement voulu voir gamins. Peut-être vraiment faire plus régressif et brutal que des robots et des monstres se foutant des mandales en détruisant la moitié d’une ville ?

C’est normalement là qu’il se trouve quelqu’un pour dire que c’est bien beau tout ça mais quand même Michael « Explosions » Bay l’a un peu fait avant avec trois opus de Transformers. Seul souci, ce dernier est autrement plus cynique et moins passionné que Del Toro. Ses Transformers n’étaient jamais que l’adaptation d’une marque de jouets, dotés de budgets pharaoniques et d’effets spéciaux photoréalistes, mais aussi de personnages insupportables, d’un humour pathétique et d’une réalisation rendant les combats totalement illisibles. Sans donner une leçon définitive en terme de scénario, Pacific Rim a au moins le mérite de présenter des personnages soit attachants, soit drôles de par la caricature poussée à l’extrême de leur fonction. C’est même le seul vrai défaut du film, ne pas se montrer à la hauteur dans les scènes concernant les humains, entre deux bastons monumentales. On notera également quelques flottements sur les d2h10, mais rien de vraiment gênant puisque le tout s’enchaîne finalement de façon assez fluide.

Sur tous les autres points, Del Toro délivre ce qu’il avait promis : des combats titanesques, foutrement beaux et bien mis en scène. Il ne nous fait par exemple jamais perdre de vue les échelles, en utilisant judicieusement voitures, bateaux, immeubles et humains pour nous faire ressentir le gigantisme des monstres et des robots. On sent immédiatement que tout a été soigné avec une infinie patience, notamment les déplacements et le poids de ces titans, qui se meuvent de façon plus ou moins lente et s’assènent toujours des coups d’une extrême violence. Les effets spéciaux dans leur ensemble sont d’ailleurs à applaudir, c’est bien simple, pas une fois dans le film je ne me suis dit que tel ou tel élément était mal fait. Les titans de chair et d’acier sont criants de réalisme, ils semblent denses, lourd, le jeu des reflets et des trombes de pluie ne faisant qu’accentuer cette impression. Mais encore une fois, tout ça ne serait rien entre de mauvaises mains.

Il n’était apparemment pas question de faire trépigner le spectateur d’impatience puisque le film s’ouvre sur un premier combat, sorte de mise en bouche des plus réussies avant la fin du monde annoncée. Une fois n’est pas coutume, c’est en milieu de film que se trouve le combat le plus impressionnant, une succession de moments de bravoure épiques à peine croyables tant la furie et la destruction atteignent des niveaux insoupçonnés, pour donner une des meilleures séquences d’action que l’on ait vu au cinéma depuis bien longtemps. On pourrait avec cette phrase penser à Man of Steel, et il y a quelques points commun dans l’envergure de ces combats, mais ce qui créé une vraie différence c’est bien leurs enjeux. Là où d’un côté les protagonistes pouvaient fracasser toute une ville sans perdre leur brushing, de l’autre il est clairement établi que les robots, aussi puissants et imposants qu’ils soient, restent relativement fragiles face aux kaijus. Ce doit d’ailleurs être un des rares blockbusters où la fin imminente de notre planète se fait vraiment sentir, et où la menace d’un autre monde est réellement terrifiante.

Il faut également remercier pour ça le formidable boulot accompli sur le design général, avec des kaijus massifs et terrifiants (on sent un petit relent des Grands Anciens de Lovecraft), des jaegers complexes et variés réservant quelques surprises et des décors incroyablement crédibles, comme la base principale des humains à Hong-Kong (la ville jouissant au passage d'une photographie à base de néons assez incroyable, rappelant Enter the Void). Je remarque maintenant que dans ma critique comme dans le film, les humains passent au second plan, mais il serait injuste de ne pas glisser quelques mots sur les acteurs, en particulier Idris Elba. Le fameux Stringer Bell de The Wire semble décidément à l’aise dans tous ses rôles, il est ici parfait en commandant autoritaire et incontesté, mais cachant comme il se doit quelques secrets. On retrouve également la paire de Sons of Anarchy, Ron Perlman étant ici hilarant en boss du marché noir de Hong Kong, et Charlie Hunnam qui fait un bon boulot comme personnage principal, sans atteindre l’intensité qu’il peut montrer dans la série.

En somme, un film qu’il ne faut pas non plus attendre comme le messie car il accuse des défauts assez évidents et ne constitue pas non plus le divertissement ultime, mais une sacrée claque visuelle à ne rater sous aucun prétexte au cinéma. Premièrement, parce qu’il vaudrait mieux que le film se rembourse si on veut avoir droit à du Lovecraft par Del Toro, et deuxièmement parce que l’on peut d’ores et déjà parier qu’il ne sortira rien de plus jouissif et généreux que ce film dans le reste d’une année bien terne pour les blockbusters. Croyez-moi, ça nettoie les yeux.

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le 18 juil. 2013

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blazcowicz

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