Pacifiction, réalisé par Albert Serra, est une œuvre cinématographique singulière mêlant contemplation hypnotique, critique colonialiste et tension latente, offrant une expérience aussi fascinante que déroutante.
Le film met en scène De Roller, haut-commissaire français incarné magistralement par Benoît Magimel, qui, derrière une façade de diplomate confiant, révèle une figure profondément déphasée et perdue, aussi déconnectée que le spectateur face à l’opacité des enjeux. Certaines scènes marquantes, comme son apparition en costume blanc sur un jet-ski ou une voiture immaculée s’aventurant sur des chemins de terre, illustrent parfaitement cet équilibre entre grotesque et sublime. Ces instants sont sublimés par une photographie somptueuse, notamment dans la captation des couchers de soleil qui ancrent le film dans une esthétique quasi onirique.
L’atmosphère repose aussi sur une tension palpable qui s’immisce subtilement dans chaque scène, alimentée par la paranoïa ambiante et la critique du colonialisme. Cette dimension de thriller atypique, en contraste avec la lenteur contemplative, donne au film une allure unique. Cependant, le choix de l’improvisation pour les dialogues, s’il magnifie le talent de Magimel, pénalise les acteurs secondaires qui peinent à rendre leurs personnages crédibles. Ce manque de dialogues écrits affaiblit certaines interactions et nuit à l’immersion.
Malgré ses qualités, le film flirte parfois avec l’autosatisfaction. Son rythme contemplatif, prolongé au-delà du nécessaire, peut provoquer un certain ennui, même pour les spectateurs les plus ouverts à son approche expérimentale.
Pacifiction est un pari audacieux, une œuvre qui divise par sa lenteur et son absence d’intrigue conventionnelle. Si son esthétique et sa critique sociale séduisent, c’est aussi un film exigeant qui teste les limites de la patience et de l’adhésion.