Décalages
Il est une fois Paddington.Il revient .Il est toujours en verve cet ours qui parle en anglais !Les images sont efficaces !Le scénario est désuet !Toutefois cela fait du bien de visionner un film...
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le 7 févr. 2025
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J'y suis allé en me disant que ça sentait la fin d'une histoire ; d'une boucle qu'on bouclait. Ce voyage au Pérou, c'était l'occasion d'un retour aux origines, de ramener le personnage face à son histoire... D'accord, le second opus avait été très en deça du premier film, sorti il y a de cela dix ans déjà, mais en cette période de cinéma un peu tristoune, il faut savoir se raccrocher aux branches qui s'offrent à nous et n'exclure aucune piste.
Seulement voilà, loin d'être une queue de comète éclairant la pénombre, ce Paddington 3 s'est révélé être au contraire une énième déclinaison de cet âge sombre que nous traversons.
Alors pourtant, c'est vrai que, d'apparence, comme ça, on a l'impression que tous les ingrédients de la bonne marmelade sont là : à part Sally Hawkins qui manque à l'appel, on reprend un casting de grands noms, enrichi ce coup-ci d'Olivia Coleman et d'Antonio Banderas, on ressort toutes les jolies cartes postales et on orchestre tout ça autour des choupinouneries de ce joli ours en peluche plus vrai que nature. On retrouve d'ailleurs dans la mise en scène de Dougal Wilson pas mal de motifs repris à celle de Paul King, je pense notamment à cette réalisation très classique et métrique (pour ne pas dire rigide) agrémentée néanmoins de temps en temps d'effets d'animation des décors allant piocher à droite et à gauche parmi les techniques à disposition. A cela s'ajoute une intrigue rigoureusement ficelée pour faire en sorte que tout ce qui a été posé à l'écran soit par la suite remobilisé. Du rappel de chaque personnage, au développement de leurs arcs respectifs, jusqu'à la grande conclusion, tout ça est habilement tressé ensemble pour que le récit se déroule d'un bloc, selon une dynamique régulière, tout en sachant enchaîner et varier les péripéties propres à ce genre d'aventure épique... Et pourtant j'avoue que, le concernant, ça n'a jamais vraiment pris...
En fait ça n'a jamais pris du tout.
Alors oui, la tentation a été forte de mettre ça sur le dos de cette atmosphère mielleuse faite d'images d'Épinal, de photographie pimpante et de musiques dégoulinantes, mais d'un autre côté il y avait déjà de ça dans le premier opus et ça ne m'avait pas plus dérangé que ça. Au contraire, ça faisait même partie du charme de la formule.
Néanmoins, à force de laisser le film se dérouler, j'ai fini par me rendre compte que mon problème ne tenait pas tant que ça à ce qu'il y avait dans ce Paddington 3 mais plutôt à ce qui lui manquait.
Parce que, d'accord, Paddington premier du nom c'était aussi très archetypal, mielleux et carte postale, mais ce qui en faisait surtout le sel c'était cette manière de mettre les choses en balance : le moderne et l'ancien, la noblesse naïve des vieux contes et la cruauté bien réelle derrière les faux-semblants. Pour le coup ça posait vraiment la question de l'adaptation ; à comprendre celle de l'attitude adaptée au monde d'aujourd'hui. Être courtois, gentil, altruiste, confiant en l'humanité, est-ce encore adapté dans le Londres du XXIe siècle ? Tout cela n'est-il pas illusoire et vain, et ce pauvre Paddington – en appliquant ses valeurs aussi naïvement – n'a t-il finalement pas tort de s'exposer comme il le fait ? Cette ambivalence, dans le premier opus, elle me plaisait. C'était même pour moi l'ADN du film ; le cœur de sa démarche. Il en restait d'ailleurs encore quelque chose dans la suite de 2017, même si elle demeurait en deçà de l'original.
Mais par contre que reste-t-il de tout ça dans cet épisode péruvien ? Rien ou presque rien.
Alors d'accord, il y a bien dans cette épopée andine des jeux de manigances, mais ils sont clairement traités de manière presque carnavalesque. C'est juste un gimmick plus qu'un propos. C'est un archétype supplémentaire à rajouter à côté de tous ces éléments s'agitant le long du circuit en petit train.
Car à bien tout prendre, il ne s'agit au fond que de ça avec ce Paddington au Pérou : d'un circuit en petit train. C'est le Pirates des Caraïbes de Disneyland mais avec des lamas, des bonnes sœurs et des temples incas. Ça chante, ça danse et ça fait des cascades dans des décors dignes d'Adventure Land. Et même si j'ai conscience que c'était là toute la démarche du film, le fait est que, moi, je trouve ça d'une fadeur dans nom.
Alors d'accord, j'entends l'argument qui consiste à dire que je porte là un regard d'adulte sur un film manifestement destiné aux enfants. Et oui, c'est vrai que le film est suffisamment bien ficelé pour que les enfants (grands comme petits) s'y retrouvent pleinement. D'ailleurs ça reste vrai que je n'ai pas d'antipathie particulière à l'égard de ce Paddington au Pérou, tenons-nous le pour dit.
Malgré tout, je ne peux ignorer que la premier Paddington était un film qui s'adressait aussi bien aux petits qu'aux grands alors que là on ne s'adresse qu'aux petits. Pire, là on s'adresse aux petits mais en changeant substantiellement le propos qu'on leur tient.
Dans Paddington 1, on posait la question de la naïveté, de la gentillesse et l'attitude à adopter face à un monde bien plus cruel qu'il ne veut bien le montrer. Dit autrement, Paddington avait une vertu initiatique. Là, le monde n'est plus questionné. L'attitude non plus. C'est même tout le contraire.
Tout un symbole : quand une jeune prédatrice débarque dans la boîte du père Brown pour lui faire prendre des risques – ce qui reste quand même l'incarnation même de la prédation capitaliste qui est responsable de l'instabilité économique mondiale et de toutes les conséquences néfastes que cela peut engendrer – le film ne nous interroge finalement pas dessus. Non, la prédatrice capitaliste fait partie du décor et c'est au père Brown de savoir s'y adapter. À la fin, le père Brown a même appris à prendre des risques – peut-être même plus que sa collègue aux dents longues ! – et tout le monde l'admire pour ça.
Étonnamment (ou pas d'ailleurs), en perdant sa logique de mise en balance et de mise en questionnement, l'univers de Paddington prend soudainement des allures de fantasme réac, fait d'idéal bourgeois, de bonnes sœurs sympas et de Péruviens se délectant de vivre dans un album de Tintin, accueillant les Occidentaux avec chants et déférence, comme les princes qu'au fond ils sont tous. S'étonnera-t-on dès lors que le propos de ce troisième opus se soit recentré sur la question identitaire et qu'il se soit conclut ainsi ? Certainement pas.
Et voilà comment, pour masquer le rance de cette marmelade cuvée 2025, on s'est permis de rajouter du sucre pour en masquer le goût.
Alors soit. Pourquoi pas. De nos jours – et au regard des tendances actuelles – plus rien ne m'étonne.
Mais bon, c'est quand même désolant de constater comment, en dix ans de temps, un certain cinéma familial et intelligent entre, lentement mais sûrement, en voie de disparition.
S'en attristera qui voudra...
Créée
le 24 févr. 2025
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