Le goûter rital qu’est le pain avec du chocolat fut la métaphore « croustillante » choisie par Brusati pour faire à la fois le titre et l’image de chocs culturels permanents. Son personnage est du pays : expatrié italien en Suisse pour le travail, on serait bien en mal de l’empêtrer dans l’état policier comme on le ferait dans un scénario purement italien ; les Suisses sont carrés comme leur drapeau mais ils sont complaisants aussi, ils sont gentiment xénophobes mais on n’a pas encore inventé le terme de toute manière. Ils tiennent à leur identité, c’est tout : leur pays même a des airs de coffre-fort, les montagnes helvétiques sont comme des murs d’où l’on ne sort que par train à travers de sombres tunnels.
Tout cela, Brusati le montre, le démontre et le démonte, toujours hilarant, toujours jouant sur les différences qu’on dénigre tout en bénéficiant de leurs avantages. À tout instant, on garde à l’idée les frontières de la conception chez cet Italien entouré d’un cosmopolitisme soudain, lui pour qui Italiens du Nord et Italiens du Sud n’avaient déjà rien en commun. Alors allemand, français, anglais, grec, le Turc même qu’on rend muet faute de pouvoir en reproduire la langue (acteur italien oblige), qu’est-ce que cela signifie pour un expatrié, en quoi cela aide-t-il à l’enracinement ?
Porté que l’on est par des dialogues polyglottes et amusants, on comprend pourquoi les personnages en viennent à ne plus savoir quoi se dire, quoiqu’on pût aussi mettre cela sur le compte d’une partie finale qui s’agite au lieu de bondir. Il ne faut peut-être pas porter Brusati aux nues de la statistique (deux millions d’étrangers sur un pays de cinq millions d’habitants ; vérifie qui voudra) ni du scénario clair et aguicheur, mais il a presque eu du génie dans la demi-satyre drôle aussi bien que dans l’adaptation au septième art d’un pays avec lequel il n’a même pas collaboré.
Quantième Art