La carrière de Roberto Rossellini est difficile à résumer en une seule œuvre, tant elle fut protéiforme, se scindant en multiples périodes ; de la trilogie propagandiste durant la guerre à ses nombreuses biographies dans ses dernières années, en passant par les drames bergmaniens (ceux d'Ingrid, pas d'Ingmar) et bien évidemment le néoréalisme. Son opus magnus est cependant pour beaucoup sa trilogie néoréaliste de la guerre, entamée par Rome, ville ouverte en 1945, conclue par Allemagne Année Zéro en 1948, et dont Païsa est le deuxième volet.


Le film suit chronologiquement et géographiquement l'avancée de la campagne de libération de l'Italie durant la Seconde Guerre Mondiale, en six épisodes distincts qui emmènent le spectateur du débarquement américain en Sicile à l'été 1943 jusqu'aux derniers affrontements de la plaine du Pô en décembre 1944. Les segments ne partagent pas de personnages ou d'histoire commune sinon celle avec un grand H, offrant différentes facettes de ce que fut la guerre du point de vue italien, pouvant donc à la fois s'apprécier pour eux-mêmes tout en formant pourtant un tout thématiquement et historiquement cohérent.


Ce découpage, il est vrai, empêche peut-être Païsa d'atteindre la grandeur spirituelle et la puissance narrative qui sous-tendait Rome, mais Rossellini continue sa quête d'un réalisme authentique et émotionnel. Tous les épisodes ne sont pas d'une même qualité - le 5ème, dans un monastère du Nord de l'Italie, est particulièrement sans intérêt - mais cela n'empêche pas l'émergence de scènes poignantes et percutantes. Les segments romains et florentins, qui constituent le cœur du film, sont à mon sens les fleurons de l’œuvre et révèlent l'ampleur tragique de l'ensemble.


La réalisation est plus affirmée, plus maîtrisée, se permettant à de rares occasions de véritables exercices de styles sans jamais perdre le sens du récit. Des tableaux extraordinaires se présentent à l'écran, notamment dans l'ultime épisode où les scènes de nuit jouent avec de très profonds contrastes, jusqu'à aboutir sur un plan bouleversant d'un bébé pleurant la mort de ses parents face au soleil levant.


"Païsa", c'est le compatriote. Derrière ce titre évocateur, Rossellini ne peint pas le portrait d'une ville comme il le fait dans les deux autres opus de sa trilogie, mais d'un peuple. Il choisit de mettre en scène des soldats américains, britanniques, des aumôniers de confession juive et protestante, des gens de tous milieux dans une fable cosmopolite qui prône la paix et laisse entrevoir l'espoir d'une reconstruction prospère, mais surtout sans jamais oublier les tragédies que chacun a vécu.


Un film comme un monument aux morts, enraciné dans les ténèbres du passé, mais élancé vers le ciel de l'avenir.


→ Retrouve toutes mes critiques sur Le 7ème Café !

le7cafe
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus

Créée

le 11 juil. 2021

Critique lue 93 fois

1 j'aime

le7cafe

Écrit par

Critique lue 93 fois

1

D'autres avis sur Païsa

Païsa
batman1985
7

Critique de Païsa par batman1985

Roberto Rossellini est un cinéaste classique italien, auteur de quelques films parlant de l'Italie autour de la Seconde Guerre Mondiale. C'est aussi un réaliste, au même titre que De Sica, par...

le 6 mai 2011

8 j'aime

Païsa
JimAriz
10

Critique de Païsa par JimAriz

Beaucoup de films se sont intéressés à la vie à l'arrière pendant les guerres mondiales, mais aucun avec autant de finesse et de naturel que Paisa. Roberto Rossellini parle de son pays, des...

le 9 juil. 2014

6 j'aime

2

Païsa
pierrick_D_
3

Critique de Païsa par pierrick_D_

Ah,Roberto Rossellini!Si vous avez du mal à dormir,regardez un de ses films,c'est plus efficace qu'un somnifère et ça attaque moins chimiquement.Pendant la Deuxième Guerre Mondiale,il était proche du...

le 16 août 2017

4 j'aime

Du même critique

Hiroshima
le7cafe
8

Le cauchemar du Japon

Quand retombent les cendres. Le Japon a subi peut-être les plus grandes plaies jamais affligées à l'humanité par ses semblables, lorsque, les 6 et 9 août 1945, les premières - et seules - bombes...

le 6 juin 2021

5 j'aime

Le Vent
le7cafe
8

Échos indistincts

Le vent souffle et rapporte de lointains échos. En six minutes et un seul plan, le court-métrage s’impose comme une véritable masterclass de cinéma. Il révèle à lui seul l’impact narratif d’un...

le 27 sept. 2020

4 j'aime

Godzilla vs. Kong
le7cafe
4

Et pourtant, je suis fan de Godzilla

[Attention spoilers, mais est ce que c'est vraiment grave, surtout quand le film les rend clairement évidents dès les premières scènes ?] Par où commencer ? Se lancer dans le visionnage d'un film de...

le 4 avr. 2021

3 j'aime