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PANIC SUR FLORIDA BEACH est un film dans lequel on se sent bien. Étonnamment, malgré un contexte tendu et empreint de paranoïa, une vraie douceur de vivre se dégage, accompagnée de son odeur sucrée de souvenirs enfantins, tout au long des scènes. Déjà parce que le film prend tout son temps (mais VRAIMENT) pour installer ses paysages, ses personnages et toute son ambiance feutrée qui cultive le point de vue enfantin de la narration. On peut d’ailleurs penser que ce faux rythme, inhabituel pour ce genre de productions, est sans doute l’une des raisons de son échec commercial. Il est en effet difficile d’établir un enjeu principal dans ce récit avant d’en avoir passé les 45 premières minutes.
Devant l’anxiété, voire l’instabilité émotionnelle des adultes, on sent que les enfants, protagonistes principaux, ne réalisent que partiellement la gravité historique et les enjeux de l’actualité à l’échelle globale, préférant à la peur collective le désir individuel de profiter de leur jeunesse, de leurs découvertes pubères et surtout de leur recherche active de solutions pour tromper leur ennui. Le héros, Gene, dont le film devient alors un fragment très net de sa mémoire, reste tout de même plus concerné que ses camarades, son père étant bloqué en mer à cause de l’embargo américain.
Le personnage de Lawrence, sorte de Hitchcock de la série Z, est le seul adulte à ne pas céder à la trouille nucléaire : il est lui-même un grand enfant, se rangeant volontiers de leur côté, venu conquérir un nouveau terrain de jeu. Personnage exubérant, sûr de lui-même et de son génie, rappelant un peu le Tucker de Coppola, il profite au contraire de l’actualité morbide pour mieux vendre son nouveau film d’horreur dans lequel un homme se transforme en fourmi géante à cause… de radiations. La particularité de ce maître du spectacle, incarné à la perfection par John Goodman, est d’insérer des éléments de son film physiquement à l’intérieur-même de la salle de projection pour plus d’immersion et de frayeur, transformant son long-métrage en véritable expérience de parc d’attraction. Tel un Messie venu mettre un peu d’animation dans un quartier peu animé et prompt à l’ennui, il fait ainsi le lien entre la fiction et la réalité. D’un côté la Guerre froide devient palpable et réelle à l’annonce de la crise des missiles de Cuba par le président des Etats-Unis himself, s’invitant carrément à la télévision pour communiquer en direct avec les téléspectateurs dans tout le pays. Le fait de voir le vrai discours de Kennedy appuie davantage le propos, quand une part de documentaire se greffe sans transition dans la fiction. De l’autre côté, les monstres sortent de l’écran de cinéma pour atteindre le public, lui donner la sensation du réel, que l’heure est à l’horreur, comme si les enfants n’avaient que ce moyen pour comprendre la situation actuelle. L’intervention du cinéma dans le réel est une idée qui revient plusieurs fois au cours du film, notamment lorsque Gene voit sa mère en pleurs devant des photos de son mari, bloqué en mer à cause de l’embargo américain, à l’aide d’un rétroprojecteur.
Entre Once Upon a Time in Hollywood, Last Action Hero, Tucker… ce film s’inscrit dans une veine cinéphile, nostalgique, du souci du détail et du miroir entre le cinéma et le réel. Malgré son installation déroutante, le récit nous emmène avec justesse visiter la mémoire de toute une génération, du goût de l’Amérique pour le spectacle et la mise en scène du quotidien accompagnée ici, forcément, de la musique géniale de Jerry Goldsmith.
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Créée
le 3 juin 2020
Critique lue 80 fois
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