L'un des meilleurs cinéastes actuellement, c'est une évidence une fois de plus avec ce film. La mise en scène est d'un calme absolu, sans le moindre effet, pour suivre cette journée dans la vie d'un père séparé, qui va peu à peu se transformer en fou furieux. Radu Jude fait confiance à la durée des scènes, et pour autant il n'est pas accro au plan-séquence : il sait être attentif au réel mais il parvient aussi à couper, monter les scènes, proposer des raccords discrets mais pas dissimulés, des raccourcis pour éviter les piétinements inutiles, même si ce qu'il filme est l'histoire d'un enlisement. Il y a chez lui une grande liberté, et une grande précision aussi : précision dans la direction d'acteurs, et précision du regard : on dirait qu'il est très conscient du sens de ce qu'il montre. L'intelligence est également celle du récit, car si la majeure partie du film est occupée par le père qui tente de récupérer sa fille chez son ex-femme, il y a un début terrible, qui va infuser sur tout ce qu'on verra ensuite, où l'homme passe chez ses parents pour leur emprunter leur voiture, et où cette simple demande, par ailleurs acceptée et prévue, se change en chantage et en humiliation. Radu Jude semble donc suivre un fil assez net, pour raconter comment les pères confondent l'amour et la violence, l'affect et la propriété.