La première partie du film est vraiment très bien, presque parfaite. On y ressent assez fortement la différence abyssale entre l'insouciance et l'envie de vivre des jeunes héroïnes et la violence destructrice des extrémistes/terroristes. Le contraste est saisissant, entre les scènes de joie et d'amusement et les scènes extrêmement froides et tendues dans lesquelles le danger apparaît. Je pense par exemple au début où la scène presque de fête dans la voiture est interrompue pas le barrage, ou à la scène de retour de boîte, que stoppent net les affiches menaçantes appelant à porter le voile, ou bien sûr je pense aux magnifiques scènes de vie quotidienne chez la mère de l'héroïne, qu’interrompt la venue de la jeune voilée qui cherche Linda...
C'est assez intéressant de ressentir ça je pense, car il me semble que ce n'est pas abusé d'imaginer que c'est vraiment ce genre de choses qui arrivent dans certains endroits. La vie plaisante de jeunes femmes brillantes et ambitieuses, brutalement interrompues pas de la violence oppressive. Probablement d'ailleurs que cela n'arrive pas qu'aux jeunes femmes, mais à n'importe qui, qui, n'aspirant qu'à vivre, se retrouve pris dans la guerre ou le terrorisme.
J'apprécie que dans ce film certaines choses importantes ne soient pas dites, mais seulement montrées. C’est peut être seulement moi qui interprète bien sûr, mais par exemple je pense au fait que le copain de Nedjma cherche presque autant que les autres à la contrôler et à lui imposer une vie quand il lui dit qu'elle va venir avec lui à l'étranger et que c'est sa seule chance. Sa colère quand elle refuse marque bien ça je trouve. Je pense aussi au barrage au début du film. J'ai d’abord pensé que c'était des policiers, mais on entend à un moment à la radio que des terroristes font de faux barrages. Cela semble logique après coup car ils semblaient n'avoir aucun élément d'identification prouvant leur appartenance à la police. Mais sur le moment je n'y avais pas pensé et ça renforce la scène car ça signifie que s'ils n'avaient pas été satisfaits, tous auraient probablement été exécutés sur le champs.
J'ai été moins convaincu par la deuxième moitié du film. des maladresses s'y concentrent. De façon flagrante, c'est le coup du bromure. J'ai trouvé que vraiment c'était pas utile et ça casse un peu le rythme. Pareil d'ailleurs dans cette scène, Nedjma chuchote aux oreilles des filles pour qu'elles tapent sur les tables, ce qui n'a absolument aucun sens. Enfin voilà des petites choses comme ça... Pour le drame final, je m'y attendais tellement aussi, que bon forcément ça atténue l'impact émotionnel de cette scène.
J'ai pas trop apprécié tout ce qui est du thème de la mode. Encore dans la première moitié, c'est pas mal, ça ajoute au personnage, une étudiante talentueuse qui est dans une dynamique d'appropriation du corps et d'émancipation. Mais dans la deuxième moitié, insister sur "C'est tout ce qu'on a, il faut faire ce défilé", j’adhère pas trop. Je vois l'idée je pense, c'est au final la chose le plus opposée possible à la tentative d'imposition du voile, de plus c'est faire ce qui leur plaît parce que ça les amuse et leur fait plaisir. Ce qui est la meilleure raison pour faire quelque chose et ce que les extrémistes veulent leur retirer. Mais j'accroche pas, je sais pas trop pourquoi, c'est un peu trop exagéré peut être...
Un bon film au final, malgré quelques faiblesses. Je retiens de ce film la violence que c'est de vouloir imposer des contraintes à des gens qui ne veulent que vivre librement et joyeusement. Et ce uniquement parce que ça dérange certains. Et il me semble que si on est dérangé par le plaisir et le bonheur des autres, le problème n'est peut être pas à chercher chez eux.
Si dans nos contrées, une telle violence est rare, je pense que ça reste important de ne pas oublier ça, à une époque où certain.e.s veulent interdire des types de vêtements voire des types de mariages...
Mention spéciale à Lyna Khoudri, parfaite dans ce rôle.