L'actrice et réalisatrice franco-iranienne Marjane Strapi nous offre, avec Paradis Paris, sa sixième réalisation qui célèbre Paris comme une des villes mondiales des combats pour la vie et la mixité sociale mais reconnaissons qu'au-delà du symbole et du jeu de mots, elle aurait pu situer ce "Paradis" dans d'autres capitales réputées à ce sujet, comme Rome, Berlin, Londres ou New York...

Il me semble que le sujet et l'intérêt de ce beau film choral au casting et à la bande son très riches sont bien ailleurs : il nous confronte à plusieurs histoires entre-mêlées, qui mettent leurs protagonistes face à la mort et nous conjure de vivre le plus intensément possible tant qu’il y a de l’air dans nos poumons !

Ayant été confrontée à la mort elle-même il y a de nombreuses années, la réalisatrice a maturé longuement ce film en faisant appel à des histoires réelles très adaptées au fonctionnement du film.

Sous la forme d'une mosaïque kaléidoscopique qui s'enchaîne à toute allure, et passant sans arrêt d'une narration à l'autre, le visionnage du film impose une attention toute particulière dès le début, ce qu'on pourra trouver pénible à suivre tant que la réalisatrice n'a pas installé ses mini-scénarios et qu'on arrive à maîtriser leur cours, ce qui prend tout de même une bonne moitié du film.

Pour faire le lien et assurer le fil rouge, la réalisatrice fait tout d'abord appel à un maître de cérémonie en la personne d'André Dussolier, très bon dans ce type de rôle (rappelant ainsi sa voix off dans Amélie Poulain, situé aussi dans Paris...), campant avec malice et humour un présentateur d'émission criminelle en fin de carrière, bien placé pour orchestrer cette confrontation entre la vie et la mort et pour distiller ça et là quelques belles vérités de la vie et aussi des messages d'espoir dans les pires moments, par exemple :

- Faire le deuil de ses illusions c'est sûrement ce qu'il y a de pire;

- La vie est l'ensemble des chances qui nous soustraient chaque jour de la mort;

- On aura tout le temps d'être triste quand on sera mort;

- Dieu, si vous ne nous faites pas riches, au moins faites nous cons qu'on puisse profiter de la vie !

- Vous n'avez qu'un seul devoir dans la vie, celui d'être heureux.

Banalités ou clins d'œil comiques pour apporter de la légèreté et nous faire sourire dans des situations par ailleurs dramatiques ? Chacun appréciera mais je trouve que c'est plutôt réussi.

Et au-delà du maître de cérémonie, 3 personnages clé et "ordinaires" font le lien entre cette chanteuse d'opéra qui a fait son temps et passée pour morte (rôle qui va comme un gant à Monica Belluci), ce cascadeur sur le fil du rasoir et son fils, cette adolescente suicidaire qui se fait enlever et cette vielle dame passant un pacte avec Dieu (Rossy de Palma ébouriffante) :

- Le cafetier philosophe, le plus parisien et de loin le meilleur des 3, joué par un très bon Alex Lutz (trois bons rôles successifs après celui dans le récent Tableau Volé et celui dans son film Une Nuit);

- La femme de ménage de la chanteuse, un personnage stable et heureux qui fait du bien interprété par une Martina García très juste;

- Le policier local, personnage classique dans les affaires criminelles, hélas un tout petit rôle pour un Roshdy Zem ici terne et peu convaincant.

A noter que le maquilleur homo (Gwendal Marimoutou, parfait dans son rôle) qui suit partout le cascadeur est peu agaçant, est-ce la caution LGBT+ devenue nécessaire, d'autant qu'il n'apporte pas grand chose à la thématique générale du film, si ce n'est de la légèreté sans doute nécessaire aux yeux de Marjane Satrapi ?

En synthèse un film original et très bon dans sa dernière demi-heure; même s'il faut tout de même attendre une heure pour y arriver, c'est l'impression finale qui l'emporte.

La réalisatrice réussit plutôt bien à mêler drames de la vie, situations légères et comiques, ainsi que des messages d'espoir dans un bel équilibre qui en font une comédie dramatique intéressante !

Créée

le 14 juin 2024

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Azur-Uno

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