Dans un Paris filmé avec langueur et bonheur, le film de Marjane Satrapi distille avec délicatesse et mélancolie teintée d’humour un kaléidoscope de personnages aux vies vulnérables, douloureuses et tendres, aux prises avec la vieillesse, le sens de la vie et la mort.
Doté d’un sens subtil de l’observation et d’un art de la narration croisée, Paradis Paris nous invite avec amour, sensibilité et poésie à partager les fragments d’histoires d’un cafetier veuf inconsolé (Alex Lutz), d’une adolescente harcelée et dépressive, d’un cascadeur se rêvant comédien (Ben Aldridge), d’un maquilleur pour les morts, d’une cantatrice dont on annonce la mort par erreur( Monica Bellucci), d’un présentateur de télévision spécialiste d’émissions criminelles (André Dussolier).
Dis comme ça cela paraît très figé et stéréotypé. Rien ne l’est dans ce film tout en glissement choral et flottement aérien.
Le charme de Paradis Paris est de croire en ces personnages quelle que soit la durée, brève ou longue de leur apparition et partition dans le film et de nous concerner tout de suite par ces vies émouvantes en instance de changement, toutes destinées à la métamorphose.
Marjane Satrapi tisse ses récits et leurs devenirs avec brio, sourire et émotion dans un rythme qui sait prendre le temps de l’essentiel : des virages insolites et bifurcations incongrues qui peuvent advenir lorsque nous sommes disponibles au détails et ouverts à ce que la vie apporte de plus improbable et palpitant, de plus étonnant et revitalisant.
Paradis Paris comporte ce talent de nous surprendre dans de ténus renversements: l’adolescente dépressive qui contre toute attente après être restée mutique chez son psychiatre fait de son ravisseur un psy improvisé. Et ce dernier qui rappe et danse follement dans un espace d’enfermement, même ce personnage cagoulé qu’on ne verra jamais nous est rendu attachant par le regard humain et décalé de la cinéaste.
Paradis Paris c’est un peu un hymne à la ville magique celle qui permettrait politiquement donc ici artistiquement toutes les cohabitations (le casting cosmopolite est à l’unisson) tous les accents et langues, toutes les connexions et liaisons mystiques et réelles. Il y a du merveilleux dans la sincérité avec laquelle la réalisatrice est attentive au versant le plus touchant de chacun de ses personnages. Il y a aussi cette foi qu’avait Thomas Bernhard dans ses textes les plus cruels en son être vital, ceux qui sauvent de l’annihilation et du désespoir. De même le cinéma de Satrapi est traversé de cette lueur : l’être vital existe et dans la vie de chacun il peut prendre la figure attendrie de ce maquilleur amoureux du cascadeur (Gwendal Marimoutou). Et puis il y a cet élan scénaristique vers le burlesque, la farce ou l’imprévu qui permettent d’offrir légèreté et inattendu à l’intérieur de la gravité.
Marjane Satrapi agence son écriture et ses scènes en laissant toujours la possibilité d’autres motifs, ceux qui témoignent d’un désir ascendant de saluer la chance, la volonté de vivre et de trinquer en son honneur.
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