A l’heure où la mode des films plus ou moins biographiques impose un académisme douteux sur la plupart des productions du genre, bien des histoires au potentiel intéressant se voient tirées vers les abîmes du classicisme exacerbé et du convenu. Paradise Lost est malheureusement une illustration de plus de ce problème. Co-production européenne et première réalisation de l’acteur italien Andrea Di Stefano, l’évocation d’un pan tardif de la vie du narcotrafiquant Pablo Escobar ne parvient pas à faire valoir ses quelques bonnes idées au-delà d’un conformisme venu tout droit d’une quelconque production hollywoodienne.

Propulsé par une introduction plutôt dynamique se déroulant la nuit précédant la reddition d’Escobar aux autorités, Paradise Lost a bien vite fait de s’embourber dans un long flash-back décrivant la rencontre du héros avec la fille du caïd et la plongée dans l’univers de ce dernier. Dès lors, le parallèle avec Le Dernier Roi d’Ecosse est quelque peu inévitable, au détriment du film de Di Stefano hélas. A plusieurs reprises, les films ont des points communs significatifs dans leur structure, sans pour autant que Paradise Lost puisse jouir d’un récit aussi efficacement mené que celui du film de Kevin McDonald. Ici les personnages sont unilatéraux et ne provoquent ni empathie, admiration ou peur, et le point de vue extérieur (le gendre d’Escobar, donc) n’apporte pas grand-chose et est peu palpitant.

Pourtant, aucun doute sur le fait que Pablo Escobar soit une figure réellement intéressante sur laquelle se pencher, à la fois détraquée et complexe. Seulement voilà, les séquences de vie et de développement du personnage manquent : tout est montré de manière très partielle à tel point que finalement, la caractérisation d’Escobar, et plus généralement de tous les autres antagonistes, repose sur des notions très basiques et profondément manichéennes. Curieusement, le film passe sous silence des évènements de la vie du baron de la drogue qui auraient tout à fait pu servir les enjeux dramatiques. La plongée dans la terreur de l’univers devient somme-toute relative et donc gangrénée par le manque d’ambition dans le traitement des personnages.

Bien entendu, il faut admettre tout de même que Benicio Del Toro porte plutôt efficacement le personnage d’Escobar, investi comme à l’accoutumée, bien que malheureusement le film n’en profite pas tant que cela. D’une certaine manière, on repense également au diptyque Che de Steven Soderbergh, résultat en demi-teinte où la présence de Del Toro dans le rôle-titre relevait le niveau à chaque apparition. Dans le cas présent, le revers de la médaille, c’est que plus rien n’existe à côté, encore moins le bien peu charismatique Josh Hutcherson, au personnage plat et insipide, loin de la fougue que possédait James McAvoy dans Le Dernier Roi d’Ecosse, pour continuer la comparaison.

Avec de tels boulets au pied, difficile pour Paradise Lost de réellement décoller, bien que certaines séquences finissent par fonctionner, voire même être réussies. Il en va d’ailleurs de même pour la mise en scène du film, mêlant parfois au dynamisme une sobriété plus que bienvenue qui fait mouche. Hélas, lesdites réussites se voient toujours nuancées par un détail ou un autre, une lourdeur dans la structure narrative ou dans la réalisation, perdant sa légèreté dans ses moments mélodramatiques au pathos forcé à coups de longues focales sur les visages et de musique quelque peu larmoyante. On trouve d'ailleurs ici un point de déception conséquent, la partition musicale échouant pourtant à d’extrêmement talentueux Max Richter.

Au fur et à mesure de l’avancement du film, on sait de moins en moins quoi ressentir, alors que l’on est hélas gagné par l’ennui. L’aventure est finalement peu entraînante. Rien n’est profondément raté ou détestable (sauf peut-être l’ultime séquence, faute de goût et de subtilité impressionnante), mais tout est d’un générique relativement désappointant et le film s’oublie sitôt vu. Bien dommage, car à nouveau, le personnage et le potentiel sont bien là, mais ne peuvent être pleinement exploités si l’on manque d’audace, en étant trop sage et politiquement correct.

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le 11 nov. 2014

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Lt Schaffer

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