Paramatta, bagne de femmes par Alligator
nov 2010:
Décidément, la période allemande de Douglas Sirk fait rien qu'à me faire des croches-pattes! Dire!
Pour celui-là, c'est une grosse déception car j'avais lu précédemment un article très joliment écrit par Christian Viviani dans le Positif n°539 de janvier 2006 dont un épais dossier était consacré au maître. J'ai relu donc l'article sur le diptyque "Paramatta / La Habanera" après visionnage de ce Paramatta qui n'a pas été loin de ressembler à un dur calvaire pour ma part. J'ai cru que "Paramatta" signifiait "pauvre de moi" pendant un instant brièvement égocentrique.
L'argumentaire de Viviani est juste pourtant. Du point de vue intellectuel, tout cela se tient, est cohérent. Seulement, il est souvent question de rencontre au cinéma, entre le public et le film. Parfois, quelque chose de difficilement explicable ne s'effectue pas, ne déclenche pas les éléments qui font le lien. Savoir pourquoi on n'aime pas un film, des personnages, une histoire ou une mise en scène qui, pris de façon objective ne sont pas mauvais, n'est pas toujours chose aisée. Souvent une part de mystère vient se faufiler entre vous et vos sensations. Exaspérant et bien réel.
Cela ne fonctionne pas pour moi sur ce Paramatta, pourtant je comprends la thèse de Viviani. Elle m'avait donné envie de voir et d'aimer ce film. Si je m'efforce de trouver une raison à tout cela, je suis très troublé. Car je vois bien l'intelligence de la mise en scène, l'espèce de distance et d'enfermement que Sirk met en place par de petites et subtiles trouvailles visuelles (la pluie qui strie la vitre d'un cab, les piques du box des accusés, le voile derrière lequel Zarah Leander est confinée). Il n'empêche : je me fous complètement du personnage.
Alors peut-être, éventuellement, que la boursouflure du jeu de cette comédienne a très vite fini de m'exaspérer et l'a rendue inaudible? Fort probable. Son jeu extrêmement ampoulé, emphatique, théâtral doit daté du muet, ma parole! Destinée à remplacer Greta Garbo et Marlène Dietrich, toutes deux parties verd des cieux moins nazis, la pauvre Zarah Leander accumule les poses tragiques et les gestes outrés. L'imitation de ses illustres consœurs est amusante deux secondes ; on s'en lasse très vite. Elle ne se retiens guère. Lâchée à brides abattues sur un jeu grandiloquent qui demande néanmoins beaucoup de retenue pour ne pas tomber dans le risible. Son petit brin de voix est mignon, mais ne suffit pas à combler le gouffre qui se creuse au fur et à mesure qu'elle se complait à en faire des caisses. C'est dommage. La scène où Willy Birgel la retrouve dans un boui-boui australien avait sur le papier belle allure, de quoi agiter les bocaux des plus creux ou les cœurs les plus asséchés. Au final, elle est presque émouvante. Leander fout tout en l'air par ses simagrées. On a davantage envie de lui mettre des claques que de la prendre dans ses bras.
Et puis ce grand benêt de Viktor Staal qui ne sert aryen?
Le film est pourtant sirkien jusqu'au bout de la bobine. J'ai l'amère impression de passer à côté d'un truc. Il me faudrait faire abstraction de ce détestable jeu, ainsi que d'une scène qui m'a fait beaucoup rire (ce n'était sûrement pas son objectif), une séquence pénible finalement où une chanteuse de rue nous sert une infâme soupe avec fausses notes et voix éraillée qui viennent torturer mes innocents tympans.