Douglas Sirk n’était décidément pas fait pour créer le cinéma de son temps, ni de chez lui : tout son casting est allemand & interprète la bourgeoisie britannique, celle qui est proche de la reine & où le proto-cabaret, avec sa semi-nudité, connaît autant d’adeptes que de détracteurs.


Ô étrange passage des ans faisant que l’époque dépeinte, 1846, nous semble aussi loin que l’année de sortie du film, 1937. Parce que c’est une représentation du passé dans le passé, impossible de nous connecter tout à fait à lui. Cela explique qu’on aura du mal à comprendre pourquoi les artistes qu’on appelle “actrices” sont sur la scène : & oui, le cinéma n’était pas encore né qui s’approprierait entièrement le terme & en ferait, dans les faits, une version masculine.


Comment alors faire la critique du film ? On peut être objectif devant des grandeurs impérissables du cinéma, mais Paramatta n’est pas de ce genre-là & n’a qu’une chose d’impérissable : la courbe cruelle que l’on va suivre de la déchéance d’une star, du succès de la scène au bagne pour femmes, avant sa remontée vers une vie plus modeste qui pour elle vaudra mieux, au moins, que la prison. Des dérives déchirantes font disparaître ses sourires & remplacent ses corsets par des chaînes, une chute énorme à laquelle il nous semble, du haut de notre 2020, que le cinéma des années 30 ne pouvait pas être compatible.


Paramatta, le bagne de Sydney, c’était le propos du film de Sirk, pas autant que la performance romantique ou autre norme du cinéma allemand. Et en poursuivant cet objectif, le réalisateur arrive à percer les couches sociales avec une facilité déconcertante, démontrant combien la position d’un individu peut être précaire là où la réputation est clé. Cette montagne russe du prestige en fait un film social majeur, dont les acrobaties du futile, déconstruisant à la fois avec rétrospection & précocité la dignité attachée aux classes sociales, sont une raison de déplorer qu’on ne s’en rappelle pas mieux.


Quantième Art

EowynCwper
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le 6 avr. 2020

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Eowyn Cwper

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