Innocence
Primé à Cannes, j'avoue être allé à reculons devant le film surtout après l'expérience ou plutôt les expériences — car il s'agit de deux choses très différentes — mitigées que furent Gerry et...
Par
le 1 nov. 2011
28 j'aime
4
Réalisé 4 ans après Elephant, Paranoid Park apparait comme sa suite directe tant les thématiques abordées sont semblables. D'une poésie morose que seul Van Sant parvient à mettre en scène, Paranoid Park est un bijou de mise en scène.
A l'instar d'Elephant, il invisibilise totalement le monde des adultes pour ne laisser apparaitre que la vie adolescente. Aucun adulte n'apparait nettement à l'écran de tout le film : tous sont flous, de dos ou filmés en plan large afin de ne pas pouvoir les identifier autrement que par leur fonction aux yeux des adolescents. N'apparaissent que 2 adultes uniquement lorsqu'ils tentent un rapprochement émotionnel avec Alex : le policier qui, pour son enquête, questionne les skateurs, et le père de Alex, qui s'exprime sur sa séparation avec sa mère. L'adulte n'existe dans le monde d'Alex que lorsqu'il y a tentative de communication, montrant l'écart physique et émotionnel entre adolescents et adultes. A ce propos, la mère est toujours de dos ou filmée en plan large loin de Alex : elle est impersonnelle, n'existant qu'au travers de sa fonction, soulignant par là-même son absence dans la vie de son fils.
Seul le père apparait net à l'écran. Finalement, on ne s'attend pas à voir le visage du père mais ses tatouages et son style vestimentaire évoquent un passé adolescent proche de celui que traverse Alex et donc, une compréhension de la psychée de son fils. En fait, c'est l'adulte le plus à même de comprendre Alex car lui-même contient encore les traces de son adolescence sur les bras et sur ses vêtements.
De cette solitude et cette détresse émotionnelle découle la morosité d'Alex, qui trimballe avec lui le poids du divorce de ses parents qui sera ultérieurement acculé du poids de sa propre culpabilité. Dans la scène d'intro, lors du premier entretien avec le policier, la caméra les inclut tous deux dans le cadre avant que les questions ne s'orientent vers la vie privée d'Alex et la séparation de ses parents. A partir de là, la caméra s'avance vers lui pour l'isoler dans le cadre : c'est une personne qui subit sa solitude familiale. Il ne communique jamais sur ses états d'âme, la scène où il fuit le meurtre accidentel en témoigne : il se retrouve seul face à ses responsabilités, ses émotions. Il se cache de sa mère, ne parvient même pas à passer un coup de fil et s'oblige à mentir à son meilleur ami le lendemain. Il est seul et subit cette solitude.
Pour y palier, il fantasme sa vie de skateur et la réalité qui l'entoure par de nombreux ralentis et des effets sonores idéalisés. Il voit certaines scènes de sa vie au ralenti, le faisant entrer dans un état de rêve conscient lui permettant d'échapper à une réalité qu'il ne maitrise pas et qu'il veut fuir car il la sait trop douloureuse. Alex est dans le déni de sa propre vie : lorsqu'il annonce à sa copine qu'il la quitte, il n'entend pas son interlocuteur car la musique remplace les mots. Lorsque sa seule vraie amie le rencontre au restaurant, il fantasme sur une autre fille en l'observant longuement au ralenti. En fait, Alex ne vit que par substitution de la vie des autres : il skate au travers de vidéos found-footage ou au travers de sa place de public au Paranoid Park. Jamais on ne le voit skater, il ne fait que rouler avec sa planche et arbore un style de skateur qu'il ne sera jamais. La seule fois où on le voit skater, c'est devant chez lui lorsqu'il tente un kick-flip qu'il rate une première fois avant de maladroitement le réussir puis d'à nouveau se faire tirer à vélo pour rouler, rouler à l'infini pour fuir sa propre vie.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste L'étagère.
Créée
le 5 févr. 2023
Critique lue 6 fois
D'autres avis sur Paranoid Park
Primé à Cannes, j'avoue être allé à reculons devant le film surtout après l'expérience ou plutôt les expériences — car il s'agit de deux choses très différentes — mitigées que furent Gerry et...
Par
le 1 nov. 2011
28 j'aime
4
Des films de Gus Van Sant, on pourrait tirer un précepte toujours appliquable : c'est quitte ou double ! Empruntant ça et là ses ingrédients préférés (on notera une accroche récurrente avec...
Par
le 13 nov. 2010
20 j'aime
2
Et si "Paranoid Park" illustrait ce qu'il y a de meilleur dans le cinéma "moderne", aujourd'hui, près de 40 ans avant que ce concept soit né puis mort sous les coups du cinéma de divertissement ? Une...
Par
le 22 avr. 2017
15 j'aime
Du même critique
En croyant voir un énième film de psychopathe gentlemen à la Dexter, Hannibal ou Norman Bates, je suis tombé bien bas face à ce film. Bien que Canibal ait su m'hypnotiser durant toute sa première...
Par
le 9 févr. 2021
2 j'aime
Autant être franc : je ne sais quoi penser de ce film. Le début commençait bien, était concret et pertinent et j'ai même cru y voir des sous-textes intéressants : critique de la malbouffe...
Par
le 27 juin 2021
1 j'aime
The Reef fait partie de ces films dont le succès n'est dû qu'à leur bande-annonce, qui nous a vendu un film d'horreur en pleine mer chargé en action et hémoglobine. Mais en fait non, et ce n'est pas...
Par
le 22 mars 2021
1 j'aime