[Cette critique n'est pas un résumé de Pardon Youtube]


Pardon Youtube est un documentaire militant, qui cherche à illustrer un point de vue politique : l'opposition au lobbyisme.



Docu, fiction, essai audiovisuel ?



J'aurais bien aimé pouvoir le présenter comme ça, mais malheureusement, ce n'est pas vraiment le cas.
Cette création fait la synthèse de plusieurs approches :



  • un style descriptif, que je rapprocherais du documentaire

  • un style narratif, plus proche de la fiction

  • un style argumentatif et militant


Le mélange de ces 3 styles peut paraître indigeste, mais il a déjà été effectué par ailleurs, par exemple dans le documentaire Merci Patron.



Tout ça pour ça ?



Merci Patron met en scène un couple de classe populaire, dans le Nord désindustrialisé, en difficulté financière après la perte d'un emploi. Pendant le documentaire, le réalisateur Ruffin devient acteur d'une farce contre la deuxième fortune de France, Bernard Arnault... et ça marche, contre toute attente. On a bien nos trois styles mélangés : la description de la situation du couple ; la narration autour du piège tendu à Bernard Arnault, et l'aspect militant sous-jacent qui montre la victoire des "petits" contre un "grand".
Mais alors, quelle est la différence avec Pardon Youtube ?
La scène clé de ce dernier, c'est le moment où un lobbyiste de Google menace à demi-mot Laetitia, la youtubeuse engagée pour interviewée Juncker, quand elle insiste avec des questions trop politiques à son goût. Et c'est tout.
Pour l'équipe derrière le documentaire, c'est déjà honteux, et c'est vrai que quand on le présente comme ça ce n'est pas acceptable. Pour une bonne partie du public du film, le reste n'est que du sensationnalisme à deux balles. Une scène en particulier, où les personnes/personnages sont dans leur chambre et vérifient que rien n'a été volé en constatant qu'on leur a offert du champagne, sort du lot par sa débilité profonde.
Alors bon. On garde la scène de "menace", et à la poubelle, Pardon Youtube ?



Le marketing et le lobbyisme, effets de système



Pour moi, cette scène n'est pas le moment important, et en fait, il n'y a pas vraiment de moment important dans ce documentaire. Il faut le prendre comme un tout. Un tout assez représentatif de 2 systèmes : d'un côté, le lobbyisme, une réalité politique, qui est bien loin de la corruption ou de l'intimidation banale, mais qui se rapproche plus d'un travail lent d'influence. On n'a pas envie de détester l'employé de Google, en tout cas, pas moi. Derrière lui, c'est surtout un système d'influence privé-public qui s'exprime. Pas forcément, comme le prétend le film, montrant les connivences entre Google et l'Union Européenne, mais surtout montrant que la réalité du lobbyisme est un élément à part entière de la vie des institutions européennes.
De l'autre côté, ce documentaire pue le marketing à des kilomètres. Il n'a pas échappé à beaucoup de spectateurs que la mise en scène est "pensée pour buzzer", bien sûr. Il y a eu des trailers, avec des petits extraits... Des passages ou on rigole car on est humains et du coup c'est mieux (nan mais cherchez pas le rapport il n'y en a pas c'est du marketing). Et la fameuse scène dans la chambre d'hôtel, "on nous obserrrrve". Mais au-delà de ça, le marketing est la raison-même de l'existence de ce film : l'équipe de Juncker voulait lui faire un petit coup de pub auprès d'un public qui ne le connaît pas.
Qu'on comprenne bien. L'employé de Google, Laetitia, l'équipe d'Osons Causer, Juncker, on s'en fout. Mais tous ces petits personnages évoluent sur une scène mêlant, il me semble, deux grands maux de notre système politique : le marketing partout (la raison du film et, oups, le film lui-même), et le lobbying comme système d'influence passant outre le contrôle démocratique. Voilà pourquoi ce film n'est pas inutile. Assez ironiquement, ce n'est pas forcément pour la raison principale qui est derrière sa conception (pour rappel : LE BUZZ).



Une réception aussi manichéiste que le film lui-même



Voilà pourquoi il me semble nécessaire de dépasser le manichéisme, à la fois dans le contenu du film (le vilain Juncker-Google-Youtube contre la gentille Laetitia), mais aussi autour de sa réception, qui, en gros, semble être polarisée entre "c'est nul, il ne se passe rien, c'est juste de la com' ", d'une part, et "c'est David contre Goliath, ils ont tellement raison", de l'autre.
Il y a eu tout un "drama" dont la scène française de Youtube a le secret, et j'ai eu un malaise en regardant les 3 vidéos principales de ce feuilleton :



  • le docu, car il a un aspect sensationnaliste inutile

  • la critique de Guilhem, parce qu'elle est d'une mauvaise foi incroyable et qu'il y a des attaques personnelles plus ou moins méritées

  • la réponse d'Autodisciple, car elle est un peu de mauvaise foi et il y a des attaques personnelles honteuses


Et pour finir de me mettre à dos tout le monde...



L'indignation, premier pas nécessaire mais insuffisant



Un tel film n'a pas pour ambition - ou, du moins, ne devrait pas avoir pour ambition - de résumer les systèmes complexes qu'il montre à voir (sans forcément le vouloir d'ailleurs). Par contre, il permet de mettre le sujet devant des personnes qui, sans la mise en scène grossière, ne se seraient jamais penchées sur la question du marketing en politique, ou celle du lobbyisme dans les démocraties représentatives.


Non, ce n'est pas suffisant, mais c'est motivant.

Hahmet_Zascello
6
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le 24 janv. 2017

Critique lue 422 fois

Hahmet_Zascello

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