Manifeste de la nouvelle vague qui contient déjà tous les thèmes chers à Rivette. On peut dores et déjà évoquer l’utilisation du théâtre (thème que l’on retrouve dans La bande des quatre ou encore L’amour par terre) puisque ses personnages y construisent une pièce qui ressemble à une mise en abyme de la propre mise en scène de Paris nous appartient. La pièce c’est Périclès de Shakespeare. Anne, Périclès. Deux destins en miroir. Et une pièce qui peine à se monter, avec des acteurs qui disparaissent, un projet un peu fou par rapport aux moyens utilisés, on peut se dire que Rivette met en scène un peu du tournage de son propre film, réalisé sur deux ans.
Paris nous appartient est un vaste terrain de jeu, plein de contradictions. Tout Rivette, en somme. Paris nous appartient. Mais « Paris n’appartient à personne », phrase de Charles Péguy, cité en début de film. Paris semble appartenir à notre grande bande de personnages, qui gravitent autour d’elle, en elle, y sont ancrés à jamais mais qui finalement disparaissent au compte-goutte. Suicide ? Complot criminel ? Toutes les possibilités sont envisageables.
Et Paris nous appartient a en son centre ce personnage féminin, cher à Rivette, qui entre dans une spirale qui le dépasse. Et l’on sait tout l’admiration que Rivette porte en Hitchcock qu’il considère comme le plus grand. Il suffit d’une voisine qui évoque le prénom de son frère, la possibilité qu’il se soit suicidé, pour que Anne soit embringuée dans la machine. Secret défense, quarante plus tard, part de rien, de si peu puis c’est un monde qui s’ouvre, océan de secrets enfouis, de complots impensables, de personnages qui ne cessent d’entrer dans le film pour n’en sortir que morts. Le secret est un élément récurrent dans le cinéma de Jacques Rivette. Il est le coeur comme il peut être le parallèle. Comme le théâtre. Coeur puis parallèle. L’amour par terre, fidèle exemple. Ou plus récemment, 36 vues du pic Saint Loup, qui subit lui aussi ce transfert bouleversant.
Et Paris nous appartient c’est évidemment Paris. Rivette et Paris c’est une grande histoire. A pieds, en train, en voiture, les trajets sont le coeur du film, systématiquement. C’est presque géométrique. On y trace des lignes, on y recroise des lieux. il y a quelque chose d’errant là-dedans. Une errance qui cherche, qui se perd, qui croit aboutir mais débouche sur du vide, quelque chose de trop grand. Tout n’est pas clair à la fin de Paris nous appartient. Il n’y a apparemment pas de complot, mais il y a des cadavres. Anne préfère se perdre dans son ignorance. Elle se tient devant un immense lac et observe les cygnes qui se donnent en balai.