Sur le corps raide et guindé de son héroïne apprentie actrice, le film balance une profusion de secrets, de complots, de lignes de lecture, avec une perversité folle. C'est un film qui se cherche, se construit avec le spectateur, échafaude des millions de choses, ne possède qu'un seul et unique centre : c'est Paris, ses toits, ses rues glauques, véritable Metropolis où les complots, rêvés ou véritables, se créent et se dévoilent un peu. Paris de l'après-guerre, d'un monde qui a la gueule de bois, a peur encore et peut-être plus qu'avant mais doit faire bonne figure et jouer la légèreté. Parsemé de "peut-être", "il semblerait", "pas si sûr", "je t'expliquerai" ; ce film dépeint l'atmosphère de cette époque avec une acuité rare. L'intrigue, Rivette s'amuse à la compliquer, la monter sur d'autres étages, encore. La caméra est une araignée qui tisse un film, sa toile : à travers elle, Paris s'éveille, le chaos du monde triomphe, la Nouvelle Vague naît, on ne comprend strictement rien et le cinéaste non plus. Grand film, absurde, bizarre, au bord du gouffre ; sur le théâtre, sur le monde, donc sur le cinéma et rien d'autre.