Paris au Texas, comment est-ce possible ? Et pourquoi pas, après tout?
Il paraîtrait qu’il y aurait environ 14 villes ou bourgades obscures bien nommées « Paris » aux Etats-Unis.
Pourquoi est-ce que j’aime autant ce film?
Sans doute parce-que j’ai été frappé d’emblée par cette errance poétique, par cette démarche nonchalante d’un Harry Dean Stanton mutique au beau milieu d’un désert dont le nom m’importait peu. La beauté des images, la simplicité de licks de slide, notes laconiques, très « texanes » dans leurs consonances, mais dont la simplicité et le lyrisme nous évoquent aussi un je ne sais trop quoi d’universel. La touche folk-blues d’un Ry Cooder inspiré, humble, musicien de séance discret d’un Rolling Stones ou d’un Captain Beefheart qui faisait passer beaucoup d’influences, Skip James et le Révérend Gary Davis (son prof) en tête. K7 audio écoutées en boucle, les mêmes qu’écoutait un Wim Wenders idéalisant l’Amérique, sa vieille amie, filmant des néons et enseignes lumineuses dans la nuit noire du Texas et de Las Vegas.
Et l’oncle Sam, le Sam Shepard. L’artiste à tous les niveaux. Musicien, acteur, poète, écrivain, scénariste, tout. Celui qui, à travers la divine poésie de ses « Motel Chronicles » et de son « Lune Faucon », recueils désenchantés, a dessiné dans l’esprit d’un cinéaste un homme marchant sans but dans le désert. Une image est apparue, un scénario est né. Le cinéma naît de cela, d’un croisement parfait entre plusieurs artistes majeurs : Shepard, Wenders, Cooder. Entente impeccable entre les trois loustics, cristallisation de leurs arts respectifs pour ne faire plus qu’un, un beau film. C'est tout.
Rouge sang des couleurs, c’est un pull angora démodé et une casquette qui remportent l’adhésion, chromatiques vives, puissantes, qui ne peuvent qu’exalter nos sens.
Et je me pose toujours la question : pourquoi est-ce que j’aime autant ce film ?
Peut-être parce qu’Harry Dean Stanton a une casquette rouge avec une barbe noire, et que ça, je ne l’avais jamais vu ; parce-que Nastassja Kinski est belle à pleurer, car un couple improbable, même séparé, …la belle et la bête. Parce-que j’ai découvert John Lurie peut-être, et ça gueule de mac ?
Pourquoi est-ce que je l’aime autant? Pour l’appel de la route, pour la liberté humaine narrée telle un Jack London, pour l’appel à dévorer les grands espaces, pour l’appel de la liberté impulsive, de cette envie soudaine d’aller de l’avant et de s’affranchir de ses responsabilités. Pour l’envie que le film me procure de démarrer une voiture pour aller n’importe où. Pour la simplicité de l’histoire, un homme est parti, il revient dans sa famille. Pour la douce nostalgie familiale qui répend son fumet alléchant tout au long du film, à travers des archives de moments de la vie quotidienne en super 8. Pour le (quasi) mutisme d’Harry Dean Stanton. Il ne parle pas, c’est tout. Pour cette représentation idéale de la vie à l’écran ; un père s’en va, son jeune fils ne l’a quasiment pas connu, mais sans jugement la petite tête blonde accueille ce « papa » revenu au foyer, tombé du ciel comme un cadeau. Pour l'accent français à couper au couteau d'Aurore Clément.
Mais encore, pourquoi est-ce que j’aime autant ce film?
J'ai tout gobé, tout avalé, chaque couleur, chaque note de musique. J'ai pris mon temps, j'ai savouré, j'ai aimé. J'en ai redemandé. Je l'ai acheté en Dvd.