Restituer l'expérience du spectateur peut être la meilleure façon d'aborder un film aussi surprenant par les variations du ton que Paris Texas, trip américain du cinéaste allemand Wim Wenders.
J'ai été d'abord tranquillement emmené dans cette histoire, pensant à des mises en scènes à la Spielberg, aux histoires de famille comme le cinéma américain aime bien en collectionner; il y avait deux frères, un conventionnel, pressé et sûr de lui, qui parle beaucoup; un autre étrange, un peu fou, à la marge, que ce cinéma aime bien montrer aussi. Le duo créer des scènes assez drôle avec le contraste qui les caractérise. Classique. Alors je me suis mis à penser au film des frangins Coen que j'avais regardé la semaine précédente, à sa légèreté ou à son sens de l'absurde qui nous faisait passer un bon moment sans grandes prétentions. J'ai repensé à la note sûrement sévère que j'avais mis aux Ailes du Désir, autre film de Wim Wenders, malgré sa réalisation incroyable, qui était quand même bien plus ambitieux. Je me suis trouvé aigre à ce sujet.
Puis le film a encore pris une autre tournure. Nouvelle embarquée, le duo n'est plus le même, ne rappelle rien de conventionnel ou même de picaresque. Paris Texas ressemble enfin à lui-même, les personnages se développent, et avec quelle profondeur ! On prend le temps d'être captivé. La première demi heure m'avait laissé l'image d'une histoire de retrouvailles pleine de bons sentiments, pas mièvre ni aguicheuse pour autant. On était déjà dans le vrai. Arrivé à la moitié du film, c'était un bon 7/10 qui me traversait l'esprit. Mais avec le tournant que prend le film ensuite, qui prend le temps de nous faire nous intéresser à ses personnages et de les respecter sans espèce de filtre, une idée de mise en scène à travers une vitre et des plans restreints sur les visages pour délier les noeuds, libérer les sentiments enfouis jusqu'alors, qui contrastent avec la forme écrasante de la ville ou les vastes paysages des plaines, la note a pris une étoile de plus.
C'est comme une très bonne musique qui vous interrompt dans vos activités jusqu'à ce qu'elle se soit terminée ; on a pas envie d'en manquer un bout, les pensées aussi semblent se suspendre et la réflexivité aigre avec elles. D'ailleurs, c'est une fin sans esbrouffre que nous offre Paris Texas, parlant surtout par l'image (ceux sont les meilleurs fins, celles là).
3 pour l'écriture, 3 la réalisation, 2 la mise en scène.