Cette critique est une version très légèrement remaniée d'un texte faisant partie d'une anthologie en trois parties de comédies musicales plus ou moins bizarres et / ou obscures.
Malgré tout l'amour et le respect que m'inspire le cinéma de Jacques Demy, je dois bien reconnaître qu'il ne faudrait parfois pas grand chose pour faire pencher tout un pan de sa filmographie vers le côté obscur du bis… À l'image, par exemple, du prodigieux nanar Parking. À l'origine, Jacquot ambitionne de réaliser une de relecture rock'n'roll du mythe d'Orphée. Le cinéaste espère convaincre David Bowie d'interpréter son héros, sans succès. Son producteur lui alors propose d'engager à la place le gringalet frenchouille Francis Huster, pas super street-cred' en rock-star tricolore, avec son bandana rouge à petites loupiotes clignotantes, ses chandails beiges tricotés à la main par Tata Jacqueline et ses vestes de survêt' d'une laideur peu commune. Pire : l'acteur, qui envisage à l'époque de se lancer dans une carrière musicale, exige d'interpréter lui-même les chansons composées par un Michel Legrand en toute petite forme, dont le style jazz-choubidouwa ne colle déjà pas tout-à-fait aux aspirations glam-rock du film. Or il faut bien se rendre à l'évidence : non seulement Francis Huster joue comme une patate, mais en plus il ne sait absolument pas chanter. Certes, l'acteur n'a pas forcément de gros problèmes de justesse, c'est déjà ça de pris pour nos malheureux tympans… Mais son absence dramatique de coffre, ses intonations à côté de la plaque, son accent parigot — « j'ai beeeeuzouin deu touwa » — , sa gestuelle pataude constamment à côté de la plaque, et ses étranges mimiques achèvent de plonger le film, déjà plombé par des restrictions budgétaires qui ne permettent pas à Demy de donner de l'ampleur à sa vision, dans les abîmes du ridicule et de l'uncanny valley.
Rien, strictement rien, ne peut sauver Parking du jeu contre-nature-han de Francis Huster, qui vampirise littéralement l'écran de sa flamboyante nullité, faisant oublier quelques partis-pris esthétiques pourtant pas inintéressants — les passages en Enfer, notamment. Dans ces conditions, difficile de croire à ces scènes de concerts tournées dans un Bercy à moitié vide, où un public en délire — et j'imagine sourd comme un pot — ovationne les performances pour le moins discutables d'Orphée, alors qu'il tente péniblement de s'égosiller sur des mélodies toutes plus crucruches les unes que les autres, un large sourire bien mièvre aux lèvres.
Monument de comique involontaire, flop retentissant, Parking a bien failli mettre un terme à la carrière de Jacques Demy, qui remettra néanmoins le couvert une toute toute dernière fois en 1988 avec Trois places pour le 26.