Trois ans après Tout sur ma mère, Almodóvar réalise Parle avec elle, nouvelle entrée dramatique dans la filmographie du cinéaste espagnol, qui va, ici, livrer une nouvelle histoire pleine de beauté qui embrasse un large éventail de thématiques.
Il est difficile de s’exprimer judicieusement et objectivement à propos de Parle avec elle, tant le film d’Almodóvar capitalise sur notre propre ressenti et notre propre expérience pour se trouver une place dans notre conscience. En effet, ici, le cinéaste a choisi d’éviter toute forme de linéarité, mélangeant les périodes, le rêve et la réalité. Une façon de désorienter le spectateur mais, surtout, de le libérer de cette perpétuelle recherche de repères pour mieux aller capter l’essence de son film. Ici, nous rencontrons notamment deux hommes et deux femmes, dont les destins vont se croiser d’une manière ou d’une autre. Marco s’est épris de Lydia, tandis que Benigno s’occupe d’Alicia, dans le coma depuis plusieurs années. Lydia va subir le même sort qu’Alicia, ce qui va mener les deux hommes à se rencontrer, et à parler de ces femmes, plongées dans un long sommeil.
Contrairement à la majorité des films d’Almodóvar, ce sont des hommes qui tiennent les rôles principaux. Cependant, malgré cela, ce sont bien les femmes qui sont au cœur de l’intrigue, et qui vont guider le destin de ces hommes. Elles ont beau être incapables d’interagir avec le monde qui les entoure, elles sont omniprésentes, notamment dans les pensées de Marco et de Benigno. Elles sont le sujet principal de leurs discussions, et elles monopolisent leurs pensées et leurs souvenirs. En effet, Parle avec elle est, principalement, un film sur l’amour, qui raconte sa genèse, son évolution et sa mort, et qui montre sa place centrale dans l’existence humaine. Marco et Benigno font tous les deux face à un amour inéluctable, qui semble les dépasser, mais, surtout, compliqué par les circonstances et le monde qui les entoure.
Mais, au-delà de l’amour lui-même, il y a également de nombreuses réflexions sur l’existence, la vie, la mort, les sentiments ou encore l’art. Ici, Almodóvar convoque toutes ces thématiques tout en mettant en abyme son propre art, se transformant, quelque part, en un narrateur, observant et racontant les allers et retours des êtres dans la vie et dans la mort. Il va même jusqu’à réaliser un faux petit film muet, à la portée très symbolique, tournant au fantastique, alimentant l’aspect très onirique du film. L’ensemble est très mélancolique mais, surtout, très beau et poétique, avec un regard lucide et apaisé sur le monde et la vie.
Almodóvar nous met une belle claque avec Parle avec elle. Après le déjà très bon Tout sur ma mère, le cinéaste espagnol enchaîne avec un drame d’une très grande beauté, qui tient sa force de ses personnages et d’un récit savamment construit et rythmé. La beauté et la douleur de l’amour, des mots que l’on se dit ou non, un film qui marque.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art