C'est lors d'un beau week-end que la veuve d'un général réunit quelques-uns de ses amis, voisins et familles dans sa belle et immense propriété. Peu à peu ils boivent, jouent, se remémorent des souvenirs avant que des failles de leur vie apparaissent...
En adaptant la pièce Ce fou de Platonov d'Anton Tchekhov, Nikita Mikhalkov nous immerge au cœur de cette noblesse russe du XIXème siècle où quelques amis profitent du soleil, de l'osmose avec la nature et en profitent pour tomber dans le rire, l'ivresse, s'amuser à écouter un piano mécanique et jouer à divers jeux. Mais peu à peu, après nous avoir présenté ces personnages dans la convivialité, les masques tombent, le passé et les rancœurs ressortent, les cris s'entendent et on passe de la lumière à l'ombre.
Bénéficiant d'une très grande qualité d'écriture, tant au niveau des dialogues, riche, profond mais sans lourdeur, que des personnages, auxquels on s'intéresse très vite, Mikhalkov donne de la puissance à son récit, notamment dramatique et intellectuelle. Démarrant au cœur de l'immense jardin, il s'intéresse au moment présent, sans revenir sur le passé des personnages et ce qui va les amener à être ici et permet au spectateur de s'immerger au milieu de ce tableau de la noblesse russe, d'avoir le sentiment d'être à leurs côtés et de ressentir ce qu'ils ressentent, tant dans la gaieté que dans les rancœurs. Entre vanité, cynisme et crise existentielle, on découvre des personnages faillibles, dont le bonheur et l'intelligence ne sont parfois qu'une apparence. La narration est exemplaire et il passe d'un groupe de personnages à un autre avec subtilité, sachant retranscrire tous les intérêts psychologiques et intellectuels avec finesse.
Le film devient de plus en plus prenant et fascinant, commençant comme une simple réunion conviviale avant que l'on entre dans des drames personnels. On assiste au portrait d'une société qui n'existe plus, à la façon de vivre d'une certaine noblesse et aristocratie, s'échangeant des pensées sur la vie et le monde tout en s'amusant avec des jeux ou gages parfois bien ridicules. Le film est aussi passionnant qu'il est d'une grande richesse, abordant tant de thèmes différents et sachant retranscrire toute l'ambiguïté et le drame des personnages. Mikhalkov ne tombe jamais dans la facilité et laisse le spectateur s'immerger et juger, si il y a besoin, de ce qu'il a devant les yeux. Utilisant une très belle photographie, il met bien en avant le magnifique cadre naturel de son récit pour livrer plusieurs tableaux magnifiques, ses mouvements de caméra sont toujours très souples et fluides, c'est raffiné et on a l'impression d'être au cœur de la nature et de ressentir la rosée matinale, le soleil etc. C'est aussi la belle reconstitution (décors, costumes...) ainsi que ses acteurs qu'il met en valeur, chacun sachant retranscrire toute la consistance et la dramaturgie de leur personnage.
C'est en plein cœur de la noblesse russe du XIXème siècle que nous immerge Mikhalkov, livrant un tableau de cette société maintenant disparue tout en nous faisant ressentir aux côtés de ses personnages et de leurs drames, parfois pathétiques et absurdes dans un magnifique milieu naturel.