Primé à Cannes en tant que meilleur premier film (Caméra d’Or), Party Girl narre l’histoire d’une sexagénaire qui n’a pas encore entamé sa vie d’adulte. Au crépuscule d’une adolescence et d’une liberté qu’elle croyait éternelles, Angélique (car tel est son nom) se voit demander sa main par Joseph, un type gentil mais renfrogné, persuadé qu’il peut pourvoir aux désirs volages et fugaces de cette ancienne gagneuse, jadis reine de la nuit et des cabarets.

Ce qui attire l’attention, nous étonne puis nous surprend, c’est la délicatesse d’Angélique, subjuguant la caméra et par extension, le raffinement du regard posé sur ces jeunes filles immortelles, ces gagneuses invétérées. On contemple Party Girl comme on découvrirait pour la première fois les séries d’Edgar Degas sur les prostituées : Des callipyges aux formes plantureuses, généreuses, dansant dans un cabaret, dans cet antre de la solitude, le regard lascif et perdu, se délectant de plaisirs charnels.

De la délicatesse donc. Une certaine pureté aussi, d’une pudeur certaine sans jamais être totalement maîtrisée et c’est cela, rien que cela, qui fait de Party Girl, un excellent premier film car les trois cinéastes (qui mettent d’ailleurs en scène leur propre famille) n’en font pas trop, n’ont pas ce soucis omniprésent de vouloir « bien faire ». Ils filment sans jamais exhiber, sans tomber dans le sentimentalisme qui aurait pu être une option de facilité. Le film tourné en majeur partie à Forbach (le village natif de la famille Theis, dont Samuel est un des trois réalisateurs) suggère un passé social lourd de sens et d’histoire : et sans jamais plus qu’énoncer les mines, il n’y a ni magnification ni sublimation de ces anciens travailleurs téméraires et taiseux, seulement le décor et l’humilité du projet scénaristique.

Angélique doute, panique. Elle boit et fume, parfois trop. Sans se dévoiler totalement, elle se sent nue face à Joseph – son futur mari – comme une fille accepterait de se donner pour la première fois à son prétendant : une étape de vie sacrée, pour certains, qu’on profane sans y prendre garde, pour d’autres. Et toute cette réflexion du passage à l’âge adulte est mise en scène intelligemment, les deux pieds dans le réel grâce à l’utilisation du décor le plus naturel qui soit. Ainsi la lumière naturelle et les plans filmés en contre-jour viennent festonner en grande partie les séquences diurnes, s’opposant aux couleurs bigarrées et nerveuses des séquences nocturnes. Il n’y a pas d’effet de style, très peu d’artifice et la musique vient compléter le naturalisme déjà prégnant, justement utilisée pour introduire et conclure le film.

Les trois cinéastes sont arrivés à produire un film épris de justesse, de pudeur et d’élégance pour mieux se focaliser sur le sujet principal du film : la liberté. D’où une fin aussi ouverte, pleine de grâce et de mystère. Le film transpire de liberté, s’affranchissant des contraintes réalistes que s’étaient fixer les jeunes cinéastes nous laissant façonner notre propre interprétation de la liberté d’Angélique: un hors champ nous offrant un choix de possibilités aussi large que possible.
Monsieur_Biche
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le 28 août 2014

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