Faire semblant de ne pas être triste
Projet étrange que ce Party Girl, premier long métrage de trois amis de la Fémis et, surtout, film entre le documentaire et la fiction. Le personnage principal est en effet interprété par la mère d'un des cinéastes et toute la famille participe au film en interprétant son propre rôle. Savoir quelle est la part de vrai ou de faux n'est finalement pas très importante tant on se prend au jeu d'entrée.
Angélique a 60 ans. Elle passe toutes ses nuits dans un cabaret où elle tient compagnie aux clients et les force à consommer. Elle est la doyenne de ce groupe de femmes fortes qui se donnent aux regards esseulés des clients. Elle entretient depuis quelques temps une relation avec son meilleur client, Michel. Celui-ci finit par lui proposer de l'épouser. Angélique y voit l'occasion de recommencer sa vie, elle qui a toujours été esquintée par celle-ci. Au fur et à mesure que la date fatidique s'approche, les doutes l'envahissent.
Le film est évidemment porté par la grâce de son interprète principale, Angélique Litzenburger, qui est immédiatement attachante. On sent que cette femme a souvent été malheureuse, que la vie ne lui a pas fait de cadeau, mais elle n'a rien lâché. Qu'importe les amours déçues, les clients la traitant comme une prostituée, les enfants que l'assistance sociale lui a retiré, la vie de misère dans une chambre de bonne, Angélique continue a sourire et surtout à faire la fête. Le film baigne dans une douce mélancolie, Angélique fait la fête pour oublier qu'elle est triste. Elle a sans doute eu des problèmes d'alcool, a eu des enfants d'amants qu'elle a oublié, a probablement été une mauvaise mère mais les cinéastes réussissent à ne jamais tomber dans le misérabilisme social ou le film tract. Ce qui les intéresse est Angélique et elle seule.
Party Girl est un grand film d'amour. Chaque personnage est un torrent d'amour : Michel pour Angélique, les enfants d'Angélique pour leur mère, les filles du cabaret entre elles. Mais c'est aussi un film sur la difficulté d'avancer dans la vie. On découvre lors d'une conversation avec son fils que Angélique est resté une grande romantique, ce qui la rend encore plus attachante puisque, malgré ses épreuves, elle semble ne pas avoir renoncer, elle continue de croire en l'amour pur et passionnel. Et, pourtant, alors qu'elle aurait tout pour être enfin heureuse, la réalité lui revient en pleine face et elle se rend compte que ses sentiments pour Michel ne sont peut-être pas aussi forts qu'elle aimerait qu'ils soient. Scène terrible où les deux jeunes mariés s'apprêtent à faire l'amour pour la première fois et où Angélique aura les mots terribles « Je ne t'aime pas ». On ne sait pas vraiment ce qui se passe chez elle. Est-elle vraiment en train de se rendre compte qu'elle ne l'aime pas ou a t'elle juste peur de voir sa vie changer ? Quand on s'est créer une carapace pour survivre à sa vie, comment réagir quand on doit s'ouvrir ? Il y a finalement quelques chose de très adolescent chez Angélique dans son rapport à l'amour, à sa peur de la sexualité et à la peur de vivre sa vie, ce qui la rend profondément humaine et attachante.
L'interprétation est une immense surprise tant ces acteurs d'une fois sont extraordinaires de sensibilité et de profondeur. Mention particulière pour Cynthia, dont la première apparition qui scelle les retrouvailles avec sa mère est déchirante et où elle fait passer énormément d'émotions sans dire un mot. Party Girl est un film magnifique, lumineux et touché par la grâce de son interprète/personnage principal. Angélique est un des plus beaux personnage féminin vu depuis longtemps, dont la force et la vitalité sont profondément émouvantes surtout dans son incapacité à trouver l'amour qu'elle attend. Qu'importe, en attendant, Angélique continuera de faire la fête pour faire semblant de ne pas être triste.