Premier film de Ken(neth) Loach, Poor Cow ressemble pourtant déjà à la suite de son oeuvre avec un regard respectueux et jamais dédaigneux sur les petites gens, avec cette magnifique femme, Joy, incarnée par Carol White.
Celle-ci a eu un fils, Jonny, assez jeune, avec un mec qui vit de recels et de vols. Quand il va se faire arrêter par la police à la suite d'un braquage, elle va jeter son dévolu sur un jeune homme très gentil, attentionné, joué par Terence Stamp, mais qui a fait quelques larcins qui vont le conduire lui aussi en prison. Pour elle et son fils, Joy va vouloir chercher à tout prix le bonheur.
Cette jeune femme est montrée comme une battante, mais qui semble toujours mal choisir ses amants, car on ne peut pas dire qu'ils soient blancs comme neige. On doit en voir cinq en tout, mais ils correspondent quelque part à ce qu'on refuserait chez un mec : la perversité, la violence, l'égocentrisme, le mensonge... Et il faut dire que le second qu'elle rencontre, Terence Stamp, est un modèle de gentillesse, attentionné avec son fils, aimant... sauf qu'il a braqué une petite vieille. Mais c'est plus fort qu'elle, Joy en pince pour lui, et quitte à attendre sa sortie de prison (12 ans sous les barreaux, sauf conditionnelle), elle va avoir des amants de passage. Ainsi qu'une vie de passage, faisant plusieurs petits métiers, y compris modèle pour des calendriers érotiques, mais elle doit vivre pour elle et son fils. D'ailleurs, la relation avec ce petit garçon n'est pas forcément idéalisée, car on dirait que parfois, elle le traine comme un boulet, au point qu'il peut l'empêcher d'accomplir ses relations, mais tout va s'éclairer dans une scène finale magnifique où oui, elle veut son propre bonheur ainsi que son fils, quitte à ce son père (pas forcément biologique) ait les mains sales.
Ken Loach filme tout ça sans jugement aucun, avec des scènes qui semblent parfois totalement improvisées, comme celles avec Terence Stamp où il y a un formidable sentiment de véracité, ainsi que les moments dans la rue, qui sont parfois filmées de loin pour capter un sentiment de spontanéité. Dès ce premier film, Loach est du côté des gens sur le bas-côté, qui veulent rester dignes malgré le sentiment de misère qui les menace, et c'est presque un document en soi sur les jeunes mères anglaises de 1967. D'ailleurs, j'ai oublié de parler de l'excellente musique de Donovan qui fonctionne comme des pensées de Joy.
Le choc est d'autant plus fort que je ne connaissais pas du tout ce film ; j'avais déjà beaucoup aimé le suivant, Kes, qui est plus proche de la fiction, mais ici, le réalisateur est très proche de ses débuts à la télévision anglaise en filmant au plus près une femme formidable.