Et c'est pas juste pour faire un titre joli (hein qu'il est joli). Non, c'est parce qu'il y a des similitudes. Et moi les similitudes ça me plaît. Les similitudes, ça dépasse le calque ;
Parce que le calque ça copie par principe, parce que c'est le sujet de l'action du calque : calquer...
Alors que la similitude, c'est un mécanisme, en partie inconscient, qui parle des sujets fac-similés au-delà du sujet qu'ils incarnent.
Par exemple en mécanique des fluides (et des fluides, dans Titanic, y'en a), tout est compliqué. C'est une science atroce. Alors on fait des similitudes. On prend un système (la digue du Touquet je sais pas), et on cherche un autre système similaire, que l'on comprend mieux, plus petit en général. De ce système ont fait des calculs bizarres, et on comprend le gros système. Un peu mieux en tout cas. En général, même, on fabrique nous-même le petit système, ingénieusement.
Alors à Hollywood tout est gros. Donc on ne peut que comparer des gros films avec des gros films. Heureusement il y a des fulgurances, comme Titanic, qui passionnent les plus grands chercheurs. C'est un peu la pierre de rosette du cinéma hollywoodien, à partir de laquelle on peut analyser tout le cinéma romantique de là-bas (et d'ailleurs aussi). Par similitudes. Et donc analyser l'amour, et donc la vie. Merci James Cameron.
Cessons de tourner autour du plot, passons à la liste exhaustive des similitudes Titanic/Passengers. Nous verrons ensuite ce qu'elles nous disent sur le sens de la vie, et pourquoi pas sur l'existence de Dieu.
Similitude N°1: le décor
Un vaisseau, qui avance dans un espace désert, coupé du monde.
Similitude N°2: le gros objet méchant
Un iceberg. Un champ de météorites. Peu importe.
(Les météorites arrivent plus tôt dans Passengers, mais le danger mortel est identifié plus tard. De même dans Titanic, l'arrivée de l'iceberg pèse sur le spectateur depuis le début... comme un secret douloureux)
Similitude N°3: la transgression sociale
La fille de première classe qui invite le mec de troisième classe aux plaisirs du luxe (en l'occurrence, dans Passengers, les plateaux repas)
Le type de troisième classe qui invite la fille de première classe à la spontanéité de la pauvreté (bon, je pousse un peu, mais avouez qu'il est marrant Chris Pratt)
Similitude N°4: le cadeau artisanal et romantique
Un dessin tout nu, un arbre miraculeux. Rien ne m'échappe mon cher Michel... et puis comme ça on sait que le type de troisième classe n'est pas un incapable. Il a même l'air d'un petit génie dans son genre. En tout cas, c'est probablement pas un serial-killer alcoolique qui crie sur les passants.
Similitude N°5: le saut dans le vide
Le « je vole » sur la proue. Le saut à l'élastique dans l'espace. Peu importe... les deux scènes commencent par un « fais-moi confiance ». Un total lâché prise de la fille de première classe, comme l'acceptation inconditionnelle d'un futur incertain.
(Je vous passe les délires de séparations, retrouvailles, doutes, propres à tous les films romantiques (supers dans Titanic, relouds dans Passengers))
Similitude N°6: le sacrifice autour d'une porte
Ah ah, celle-ci c'est la plus improbable. (Même si Chris Pratt survit. De justesse)
Doit-on voir dans cette porte un symbole ? Une ouverture vers une nouvelle vie ? Ou juste un truc large qui flotte et/ou qui protège du feu? Les deux me direz-vous... probablement oui.
Similitude N°7: l'éveil
Une vie noble et intègre pour Rose dont Jack a ouvert les yeux comme on ouvrirait les pétales d'une fleur rouge, et un retour à une écriture (relativement) intéressante pour Jennifer.
Similitude N°8: la mort heureuse
Pas celle de Jack, qu'est pas géniale (ni celle d'Albert Camus, qu'est supère). Mais les deux films se terminent tout de même sur les vestiges d'une vie remplie et lumineuse. Des photos de famille qui respirent le bonheur et l'audace, et une sorte de jardin d'Éden de l'espace.
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L'intérêt des similitudes, c'est les différences. Perso, en école d'ingénieur, je m'en tapais de calculer le degré d'érosion à l'année de la digue du Touquet. Par contre j'étais fasciné par le processus qui liait la maquette de cette digue à son modèle grandeur nature. Un processus qui n'a de sens qu'à travers les différences.
Alors moi je veux parler que d'une seule différence, la principale pour moi : la survie du pauvre.
Pourquoi Chris survit-il ? Le passage du feu est véritablement filmé comme une mort. On sent que le réalisateur a terriblement envie de cramer le bonhomme. Mais il ne peut pas... pourquoi ?
Ma version :
Parce que la riche et le pauvre sont seuls sur le navire. Le pauvre rigolo ici ne peut pas être une passade, dont on tire dans l'interaction éphémère un enrichissement personnel. La mort du pauvre, dans Passengers, c'est la solitude.
Donc voilà après on interprète comme on veut. Essaie-t-on de nous dire que le pauvre sera toujours là, naufragé, même quand on rentre au chaud chez nous pour se taper un Crousti'Chok? Ou le réalisateur a-t-il préservé Chris, non pas par compassion pour l'intéressé, mais par complaisance envers son héroïne riche un peu bobo?
Ou est-on simplement aux prises de codes cinématographiques qui, à Hollywood et au-delà, se répandent sur le monde comme une grosse soupe pas dégueux mais un peu indigeste ?
Ou peut-être est-ce le grand horloger, et son énorme plan bizarre...?
C'est la joie des similitudes, on les invente parce que l'on ne sait pas.