Les détracteurs de De Palma y verront une victoire : revoir son dernier film ne lui fait pas du bien.
La première partie, laborieuse, semble avoir pour unique objectif de remettre en place le cadre des anciennes amours du cinéaste : rutilance eighties, fascination pour le luxe, érotisme compassé. Une idée pointe, celle d’une auto-parodie satirique, tant tout cela sonne faux et cheap. Car au-delà de l’imagerie, les thèmes eux-mêmes sont éculés : la publicité, la manipulation, les mensonges, soit le back catalogue de Palmien.
Certes, tout cela est très bien filmé, et ne cesse de jouer avec les codes pour montrer à quel point le maitre à bord n’est pas dupe des artifices qu’il manipule. Cadrages carcéraux, intérieurs cossus et étouffants dans leur épure laquée, permanence du voyeurisme et de la surveillance des écrans contaminent progressivement le récit. Les comédiennes, assez irritantes, la blonde executive woman et la brune fausse victime, ont tout d’une pâle copie des couples iconiques du cinéma, Mulholland Drive en tête. Mais là aussi, l’ironie semble assumée, et De Palma prend un malin plaisir à faire de ses poupées des marionnettes dociles… Reste à savoir à quel profit.
A mesure que l’intrigue progresse, le cinéaste abat ses cartes. Loin des contraintes imposées par les grands studios, financé par une Europe acquise à sa cause d’auteur, il laisse libre cours à ses fantasmes et sa quête d’une beauté formelle. Comme dans Femme Fatale, qui s’ouvrait sur une séquence maitresse, les circonvolutions du polar ne sont qu’un prétexte à une exploration de l’image et ses fantasmes. La séquence en split-screen et les multiples retournements oniriques du final sont le véritable terrain de jeu obsessionnel du cinéaste, auquel il revient sans cesse, et avec une maitrise unique. Tout amateur de son cinéma y trouvera son compte, mais ayons la lucidité de reconnaitre que l’emballage pour y parvenir est de plus en plus léger, voire transparent.
(6.5/10)