Il aurait été particulièrement jouissif de dire que Passion allait à l'encontre la déliquescence galopante des grands réalisateurs d'hier, et surtout à celle de De Palma, qui s'est perdu voilà une bonne décennie (et pour d'autres plus loin encore).
Remake d'un film médiocre bien de chez nous (Crime d'Amour d'Alain Corneau) Passion laissait fébrilement transparaître un espoir en renouant (vainement ?) avec le De Palma Hitchockien, qui n'avait cessé de dévoiler tous les processus imaginables autour du voyeurisme et du dédoublement non sans laisser quelques traînées mémorables. Or, les tentatives, maintenant lointaines mais hélas marquantes, que furent Femme Fatale ou L'esprit de Caïn pour raviver la flamme, avaient plutôt terni le tableau. Il faudra maintenant y joindre ce dernier opus...
Au sein d'un univers technologique, bourgeois et administratif (où la vidéo est reine : une aubaine pour De Palma donc), l'affrontement de deux jeunes femmes, Isabelle la discrète et Christine la garce, embrase tout. Pendant longtemps (presque une bonne heure), on se demande où ce jeu du chat et de la souris veut nous emmener : c'est d'ailleurs là la seule réussite de Passion, à savoir de nous mener en bateau tant bien que mal, mais aussi avec une roublardise vite embarrassante.
On y esquisse l'adultère de boulevard, le saphisme de prime-time, les coups bas de soap : quand De Palma remplissait Pulsions avec ses jeux de séduction et ses caprices pervers, il le faisait avec l'amour du geste. Ici, on se croirait à la télé, quelque part entre Derrick et Melrose Place.
Des décors glacés, du racolage timide (le personnage de Rachel McAdams est une blonde petasse caricaturale au possible), des enjeux qui se cherchent : les obsessions sont bien là, mais rien n'y fait, De Palma s'imite de manière bête et régressive comme il le faisait avec Raising Cain et Femme Fatale. Lorsqu'il se décide d'aborder le thriller foufou de plein front, il se noie dans l'exercice de style et les citations : éclairages expressionnistes, faux semblants, vue subjective, manipulations des personnages et du spectateur, fissure entre le rêve et la réalité, plan-séquences, mimétisme, et...une douche, fatalement.
Sauf qu'on ne retrouve ni l'implication, ni la beauté qui faisaient le prix de chefs d'oeuvres comme Body Double ou Pulsions, à l'image de ce split-screen, tentative de maestria gratuite plus risible qu'autre chose. Pris dans le même piège, Dario Argento, son jumeau italien, vit d'ailleurs la même symbiose catastrophe : hier, sa louma défiait les lois de l'apesanteur pour jouer les voyeurs célestes, aujourd'hui, le voilà à faire des plans-séquences sur des tapis. Pour De Palma, le dérivé Hitchcockien s'est métamorphosé en Hollywood Night. Même combat.
A peine aidé par un Donaggio en mode Carré rose, De Palma s'imite et tourne à vide. Ironie suprême, si le film manque de quelque chose qui animait les grandes oeuvres de son réalisateur, c'est bien de passion.