Traitant du sujet difficile et potentiellement épuisant de la paraplégie, Passion Fish est à l'image de tous les films de John Sayles, à savoir une très belle leçon d'humanité qui ne verse ni dans le mélodrame, ni dans la leçon moralisatrice. Le début est à ce titre éloquent, avec ce passage à l'hôpital où seul le visage de Mary McDonnell sera montré, celui des médecins et des infirmiers demeurant hors-champ, façon de susciter très subtilement la solitude à laquelle est confrontée cette actrice de soap-opera victime d'un accident de voiture.
Si la première heure manque d'entrain, ce n'est pas le cas de la seconde dans laquelle le cinéaste américain démontre une fois encore toute sa délicatesse et sa manière très sincère de filmer ses personnages. Il développe avec brio différents arcs narratifs, toujours en rapport avec ce passé, cet autrefois moins présenté sous l'angle de la nostalgie que de l'espoir qu'il suscite présentement afin de prendre un nouveau départ.
Le personnage joué par Alfre Woodard ajoute au tableau la question raciale, toujours délayée dans l'histoire avec une infinie subtilité (jeux de regards, non-dits, préjugés), et trouvant un écho historiquement fort dans les sublimes contrées du bayou louisianais. Celui-ci permet à Sayles d'ajouter une petite touche de pittoresque en évoquant la culture cajun (acadienne) issue des colons français qui jadis peuplèrent la Louisiane, avec sa musique, sa langue et sa cuisine.
Plein de petites choses qui font de Passion Fish un sympathique moment qui dépasse largement le seul thème du handicap, lequel se voit progressivement relégué dans le lointain jusqu'à être finalement rejeté dans son caractère socialement réducteur et néfaste : un dépassement des plus admirables et touchants.