Cette vie rêvée

Deux amis de 12 ans, qui ont une relation amoureuse platonique, vivent une vie sans ombrages dans leur Corée du Sud natale jusqu'à ce que la fille doit partir suivre son père au Canada pour des raisons professionnelles. Douze années passent, elle commence sa carrière d'écrivaine à New-York en étant intégrée au mode de vie anglo-saxon, et lui est resté au pays, après avoir terminé son service militaire, pour terminer ses études en tant qu'ingénieur, mais le lien entre les deux ne s'est jamais réellement rompu, car elle a repris le contact avec son ami via Skype, en se faisant la promesse de se revoir depuis tout ce temps. Puis douze autres années passent...

Past lives est le premier film de Celine Song, qui s'est inspirée de sa propre histoire, mais pas seulement. On pense aussi au cinéma de Richard Linklater dans le sens où ça parle du temps qui passe (24 ans dans ce cas de figure) ou bien à Comrades, Almost a Love Story car ça se passe à New-York avec deux personnes asiatiques, mais surtout, en tant que romance, ça lutte avec 500 jours ensemble. C'est dire à quel point je trouve Past lives exceptionnel, qui a su m'émouvoir comme rarement ; je ne suis pas scénariste pour un sou, mais j'aurais aimé écrire une histoire comme ça, tournée ici avec beaucoup de délicatesse, de tendresse entre les deux personnages, magnifiquement joués par Greta Lee et Teo Yoo, dont est le non-dit entre eux. On sent, sans trop en dire, que c'est un amour en sourdine entre deux, qui s'est clairement rompu à plusieurs reprises de la faute entre guillemets de l'une puis de l'autre, pour une dernière partie que je trouve sublime, qu'on pourrait surnommer le temps des regrets. Ce qu'on fait avec ce passé, alors que le présent est là, et quel sera le futur ? Du coup, je trouve que ce que fait John Magaro, le mari de Greta Lee, est touchant, car il est en quelque sorte le témoin silencieux de ces retrouvailles uniques entre deux êtres qui ont peut-raté leur vie dans le sens où ils n'auront jamais avoué ce qu'ils ressentaient ; lui le sait, le ressent, il garde un profond respect pour les deux, et il ne sera jamais dans la colère ou dans la jalousie car, pour paraphraser un célèbre romancier, le passé n'est jamais réellement passé.

Preuve que le film a su toucher au but, plusieurs personnes pleuraient durant ma projection, et je dois avouer que je n'en menais pas large, car Celine Song a su toucher au coeur, sans cynisme, vulgarité, mais avec une profonde émotion. Son triomphe critique n'en est que justifiée, et je suis très curieux de voir la suite de sa carrière, qui démarre sur les chapeaux de roues...