Il y a des œuvres dont on sait qu’elles vont nous plaire dès les premiers instants. « Past lives, nos vies d’avant » est clairement de cette catégorie. Mieux, elle nous cueille dès le départ pour ne plus jamais nous lâcher. C’est ce qui s’appelle un véritable coup de cœur. Et il faut souligner que c’est un premier film, ce qui rend cet essai poétique et parfaitement maîtrisé encore plus louable. La réalisatrice et scénariste Céline Song a bien sûr mis beaucoup de son expérience dans cette histoire presque autobiographique, ce qui est souvent l’apanage des premières œuvres. Cette immigrée nord-américaine (ou émigrée sud-coréenne selon d’où on se situe) a donc réalisé un film qui lui ressemble. Elle y fait un parallèle fort avec sa propre histoire, nous la fait presque partager, et nous gratifie d’une passionnante et sublime histoire d’amour pas comme les autres. Elle se caractérise par un amour d’enfance qui se transforme en une sorte de relation manquée qui s’étire sur près de trois décennies. Et que c’est beau, que c’est juste, que c’est pur...!


On sort du film plein de baume au cœur. On n’a pas vu le temps passer (hormis quelques minuscules petites longueurs au milieu du film) et on a assisté à quelque chose de presque magique. Quelque chose qui nous fait encore croire à l’amour sous toutes ses formes même quand il n’est pas consommé. Le titre fait référence à une sorte de légende bouddhiste prônant les âmes liées à travers la réincarnation mais n’a pour autant rien de surnaturel, de spirituel ou de métaphysique. Au contraire, il n’y a pas plus terre à terre. C’est juste l’hypothèse invoquée par les personnages, comme une sorte d’espoir ou la promesse de se retrouver dans une autre vie. Song déjoue tous les clichés propres aux films sentimentaux en choisissant le réalisme et la justesse de ton et de point de vue. C’est doux comme une caresse, tendre comme une étreinte et beau à se damner. Elle parvient même à rendre les échanges virtuels de la seconde partie intéressants et cinégéniques. « Past lives, nos vies d’avant » a l’effet d’une séance de bien-être qui réchauffe l`âme et le cœur. Le trio de de comédiens qui incarne ce film sublime est du même acabit. Sans leur précision de jeu, le long-métrage n’aurait pas le même impact...


Mais au-delà de la puissance simple des sentiments qu’elle convoque, à travers de simples discussions et la dissection d’un amour qui ne dit pas son nom et ne se réalisera pas, Song nous met une claque de mise en scène encore plus impressionnante puisqu’il s’agit d’un coup d’essai. Sans jamais être prétentieuse ou ostentatoire, sa réalisation est dans la même lignée que le fond de son film : belle, pudique, simple voire parfois majestueuse. Un plan sur une flaque de pluie à la magie éthérée, un autre d’une pureté aseptisée où on voit le personnage principal assoupi tandis qu’en second plan flouté arrive un homme qui deviendra son mari ou encore celui qui voit deux enfants prendre deux ruelles différentes, symbole d’une séparation qui les marquera à vie. Même sa façon de filmer New York est pleine de goût.


La séquence initiale est aussi fûtée et originale que le film est bon. On y voit nos trois personnages principaux dans un bar tandis que la discussion de deux personnes qu’on ne verra pas tente de savoir quelles sont leurs liens, ce qui amorce un petit suspense en plus bien vu en plus d’être une idée judicieuse. Et, enfin, cette fin déchirante de simplicité, bouleversante de tristesse et flirtant avec la nostalgie et la mélancolie des plus grands films romantiques achève de nous convaincre. « Past lives, nos vies d’avant » est un grand film d’amour du même niveau que « N’oublie jamais » ou « In the Mood for love ». Un petit chef-d’œuvre qu’on vous enjoint d’aller découvrir sans plus tarder.



Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.

JorikVesperhaven
8

Créée

le 23 juin 2023

Critique lue 2K fois

12 j'aime

1 commentaire

Rémy Fiers

Écrit par

Critique lue 2K fois

12
1

D'autres avis sur Past Lives - Nos vies d’avant

Past Lives - Nos vies d’avant
Sergent_Pepper
8

I now renounce you

Les plus grands récits ont de fait de l’amour impossible – et donc très brièvement vécu – l’apanage du sublime, et ceux qui permettent que les amants se retrouvent ont pérennisé cette idée d’un...

le 15 déc. 2023

73 j'aime

4

Past Lives - Nos vies d’avant
Plume231
4

Flamme peu enflammée !

Le temps et la distance, éternels pires ennemis pour solidifier une histoire d'amour, surtout quand elle est encore à l'état de la gestation. Voilà, ce qui pourrait résumer la thématique de cette...

le 19 déc. 2023

39 j'aime

6

Past Lives - Nos vies d’avant
Cooleur_Asia
10

Past lives

J'ai rencontré une fois une jeune femme qui avait un tout petit tatouage au creux de son poignet : Vol. 2. La questionnant sur le sens de celui-ci, elle m'a dit qu'elle avait eu un très grave...

le 30 août 2023

28 j'aime

2

Du même critique

Les Animaux fantastiques - Les Crimes de Grindelwald
JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

93 j'aime

10

TÁR
JorikVesperhaven
4

Tartare d'auteur.

Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de...

le 27 oct. 2022

91 j'aime

12

First Man - Le Premier Homme sur la Lune
JorikVesperhaven
4

Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...

le 18 oct. 2018

81 j'aime

11