Dernier né de Jarmush, Paterson nous emmène loin de ses habituels personnages révoltés et/ou marginaux (Dead Man, Broken Flowers, Only Lovers Left Alive...), pour nous parler de l'autre face du monde : les gens normaux, classiques, banals dans la vraie vie.
On est donc à Paterson, New Jersey, une ville plate et tranquille. Dans une petite maison à la porte rose, vivent Paterson (Adam Driver), Laura (Golshifteh Farahani) et Marvin (le bouledogue). Pendant une semaine, on suit le quotidien tranquille et répétitif du trio. D'abord Paterson, chauffeur de bus contemplatif, qui trimballe tant bien que mal sa carrure démesurée dans ce décor étriqué. Dès qu'il trouve une minute de tranquillité, il consigne d'une petite écriture serrée des poèmes dans un carnet ; des poèmes qui parlent de boites d'allumettes et du temps qui passe. Laura, elle, reste dans la maison à la porte rose et s'occupe à peindre des motifs noirs et blanc les murs, les rideaux, les pancakes et le collier du chien - jusqu'à l'écoeurement. Marvin, le petit bouledogue rabougri, semble toujours sur le point d'étouffer ; mais il est là, chaque jour, pour interpréter son rôle dans ce quotidien bien réglé.
Dans Paterson, l'amour est fort mais peu démonstratif, les joies réelles mais insignifiantes, les drames sans éclat. Aucune place pour les envolées dramatiques : on est dans la vie, pas dans un film, on vous dit. Comme dans la vie, on peut s'ennuyer, ou prendre les choses comme elles viennent, et dénicher l'humour et la poésie qu'elles cachent.
Au final, difficile de dire si on est dans la joie simple ou dans l'amertume profonde. Peut-être juste le constat sans appel de la banalité terrifiante de la vie. Et l'invitation à trouver chacun notre petit carnet, pour faire de notre déambulation dans cette étrange chose qu'est la vie un pèlerinage poétique.

JulieRoule
8
Écrit par

Créée

le 16 nov. 2017

Critique lue 227 fois

1 j'aime

Julie Roule

Écrit par

Critique lue 227 fois

1

D'autres avis sur Paterson

Paterson
Velvetman
9

Twin Peaks

Après Détroit et les sorties nocturnes d’Only Lovers Left Alive, Jim Jarmusch déplace de nouveau son cinéma dans une ville en friche où la lisière se révèle étroite entre les briques en ruine et le...

le 24 déc. 2016

146 j'aime

5

Paterson
Mil-Feux
8

Water Falls - hymne à la vie

Avis à celleux qui "respirent la poésie" et l'admirent, Jim Jarmusch est revenu pour nous faire rêver. Paterson s'ouvre sur l'étreinte profonde et silencieuse d'un homme et d'une femme dans leur...

le 22 déc. 2016

126 j'aime

32

Paterson
Sergent_Pepper
7

Le cercle des poètes disparates

Lorsqu’un poème est écrit en prose ou en vers libre, il perd instantanément la faculté d’immédiate séduction qu’avait son prédécesseur en vers : la rime, le rythme, musique et cadence de la forme...

le 3 janv. 2017

107 j'aime

11

Du même critique

La leçon de tango
JulieRoule
6

A la fois charmant et décevant... A voir pour les scènes de danse !

Bien difficile de donner une note à ce film étrange, esthétique, à la fois austère et plein de vie. D'un côté, je me suis un peu ennuyée de cet esthétisme extrême, le noir et blanc, les actions...

le 10 sept. 2017

2 j'aime

1

Eva ne dort pas
JulieRoule
7

Beau film sur la puissance du mythe Eva Péron... Mais un peu trop limité à l'exercice de style

Eva ne dort pas explore l'histoire vraie (et folle) de la dépouille d'Eva Péron, femme politique argentine, et figure légendaire du péronisme. Un sujet fascinant, donc... La réussite du film tient au...

le 7 sept. 2017

2 j'aime

Paterson
JulieRoule
8

Paterson : ceci n'est pas un film

Dernier né de Jarmush, Paterson nous emmène loin de ses habituels personnages révoltés et/ou marginaux (Dead Man, Broken Flowers, Only Lovers Left Alive...), pour nous parler de l'autre face du monde...

le 16 nov. 2017

1 j'aime