C'était l'un de mes chouchous du Festival de Cannes 2016 et il est réalisé par l'un de mes chouchous (Jim Jarmusch). Oui, deux chouchous pour le prix d'un.
Et on m'aurait même caché son nom au générique que j'aurais quand même reconnu sa patte au bout de quelques minutes tant ce film porte son ADN cinématographique.
- Le rythme d'abord: le film suit le quotidien d'un chauffeur de bus/poète (ou poète/chauffeur de bus) chez lui, dans son bus, dans son bar, dans la rue etc...tout cela sur un tempo très zen, contemplatif voire méditatif...Un rythme dont tous les films de Jarmusch sont imprégnés et qui correspond à l'homme qu'il est. Il suffit de le voir en interview pour être convaincu qu'il n'y aura pas 50 plans par minute. Si vous n'aimez que les films au montage hyper rapide, passez votre chemin.
- Le thème choisi: comment amener de la poésie (et plus généralement de l'art) dans un quotidien d'apparence assez morne? Comment rendre ce quotidien plus beau et plus "supportable" ou tout simplement comment survivre? Jarmusch est un amoureux de l'art en général (musique, poésie, photo etc...) et nombreux sont ses films où il fait coéxister l'art avec un univers triste voire hostile: GHOST DOG, DEAD MAN, ONLY LOVERS LEFT ALIVE... Pour PATERSON, la poésie y est présente sous plusieurs formes: le personnage masculin utilise la poésie littéraire, sa femme, elle, essaie de créer de diverses manières notamment en redécorant et en apportant de la poésie et de la fantaisie dans leur maison on ne peut plus banale et uniformisée.
Il y a aussi un thème qui lui est cher, c'est la transmission du savoir. Il y a cette scène où le personnage principal échange des poèmes avec une petite fille. Cette scène fait penser à celle de GHOST DOG où le héros échange des livres avec une fillette sur un banc. Et il y a aussi la scène finale avec le japonais qui rend cette histoire locale si belle et universelle.
- La ville: peu de réalisateurs ont cette faculté de filmer la ville et de la rendre belle malgré tous ses défauts. Elle est omniprésente dans NIGHT ON EARTH à travers des taxis (déjà un mode de transport et déjà la ville en mouvement) dans 5 villes du monde. Dans GHOST DOG, il y a aussi des scènes urbaines très contemplatives: le personnage principal vit dans une banlieue triste de NY et déambule régulièrement dans les rues la nuit en voiture. Dans ONLY LOVERS LEFT ALIVE, les 2 héros voguent régulièrement entre Détroit (ravagé par la crise) et Tanger. On retrouve ses fameux travellings latéraux pour filmer des parties moins recommandables de Détroit mais très picturales et non dénuées de poésie. Pour PATERSON, Jarmusch va encore plus loin. Le personnage principal porte le même nom que la ville où il vit (ville natale de poètes de renom et au passé industriel) et Jarmusch utilise souvent des fondus enchainés et des reflets entre ces 2 éléments pour ne faire qu'un.
- Les répétitions et les variations: Dans PATERSON, le film est découpé en 7 parties (les 7 jours de la semaine) et le quotidien du couple est organisé en rituels. On a l'impression de vivre plusieurs fois la même scène mais ce n'est jamais vraiment la même, ce qui donne lieu à des situations assez drôles. D'où la figure des jumeaux qui revient plusieurs fois dans le film. Jarmusch a toujours aimé utiliser des variations dans ses films (NIGHT ON EARTH, COFFEE AND CIGARETTES...). Chez d'autres réalisateur comme Hong Sang-Soo, l'utilisation des variations ne me touche pas ou rarement, alors que chez Jarmusch il y a souvent une émotion qui surgit (avis purement subjectif).

Kassopuccino
8
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le 17 avr. 2019

Critique lue 183 fois

4 j'aime

Julien Martin

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