Après avoir raconté dans son livre éponyme son parcours : son accident, le passage difficile à la réa, le séjour en centre de rééducation avec le handicap, sa lente reconstruction du corps et de l'esprit, Grand Corps Malade a souhaité en faire un film.


Pour l'écriture du scénario, il a été aidé par Fadette Drouard qui lui a conseillé de synthétiser son livre. "On a dû en supprimer, parfois fusionner des anecdotes pour les rapporter à un seul. On a quasiment écrit d’un jet. Le montage final est d’ailleurs assez proche de la première version du scénario", se souvient Grand Corps Malade.


Il s'est également entouré de son ami, Mehdi Idir, réalisateur de ses clips, qui l'a épaulé à la mise en scène, par le biais du poste de co-réalisateur.


Aussi, même si l'histoire est largement autobiographique, Ben le personnage principal est en partie fictionnel, créant une distanciation salutaire.


L'énorme intérêt du film est qu'il est tourné dans le centre de rééducation où Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, a été hospitalisé lui-même.
Ces lieux, ce décor vont jouer un rôle primordial à la fois pour le "malade" qui intègre ce monde à part et aussi pour le spectateur, qui plongé dans ce même milieu, le découvre de l'intérieur, la caméra étant totalement subjective. On est à la place de Ben dès le début. On est dans son lit. On est dans son corps meurtri, paralysé. La caméra ouvre son champ au fur et à mesure de la rééducation de Ben qui va lui faire recouvrir une partie de sa mobilité.


Ce qui frappe surtout, c'est l'intensité du relationnel entre les patients du centre et la grand solidarité entre eux. Ben va faire la connaissance de ses "compagnons de galère" : Farid, son meilleur pote en fauteuil roulant depuis sa naissance, Steeve, l'écorché vif, Toussaint, le black sympa qui a toujours froid, et Samia, la bella ragazza, dont Ben va tomber amoureux.


Les histoires de ces patients particuliers se croisent et ne se ressemblent pas; certains sont plus fortunés que d'autres. Ben est le plus chanceux car son état s’améliore peu à peu, ce qui n''est pas le cas de tout le monde. Certains stagnent et ont l'impression de végéter. Cela a un impact forcément sur leur moral et ceux qui vont mieux essaient de les réconforter comme ils peuvent.


Et puis aussi, il y a le personnel médical, très présent, dont les patients dépendent pour tous les geste de la vie quotidienne. Comme chez les patients, chacun a son caractère, plus ou moins doux, plus ou moins empathique. Le kiné est un beau gosse athlétique, très professionnel et sympa; c'est le sauveur par excellence qui va réussir à faire marcher Ben. L'aide soignante âgée, Christiane, est comme une maman pour ces jeunes patients en mal d'affection. Quant à Jean-Marie, il est pénible mais on l'aime bien.
Le quotidien du malade est rythmé par les soins, et sa pudeur on la met de côté. Etre dépendant des autres est une expérience quand on l'a vécu, très dérangeante et désagréable et on retrouve bien dans le film cette sensation,que Ben et se copains essayent de conjurer par l'humour (cf la scène de la défécation).


L'humour pour conjurer le sort, l'angoisse, les moments inéluctables de déprime, est très présent.
Il y a le clan des tetra (tétraplégiques), des hémi, les TC (traumatisés crâniens), les désinhibés frontaux qui n'ont plus aucune réserve et peuvent insulter tout le monde à tout moment.
Cet humour ravageur, on va le rencontrer souvent, dans certaines scènes comme celle du combat en fauteuils roulants, celle du joint où on s'envoie des vannes et des blagues à tire larigo, celles de la cantine où on essaie de se passer le sel plus ou moins difficilement.


Il y a aussi des moments tire-larmes, intenses. Comme dans la vie, on rit on pleure. C'est ça pour moi le grand cinéma.


Coté mise en scène, Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont cherché à ne pas verser dans le pathos malgré la gravité du sujet. Ils n'ont pas filmé caméra à l'épaule pour éviter que le film ait un style trop réaliste. "On souhaitait que la caméra suive l’évolution physique du personnage. Avec des plans fixes, serrés, de la profondeur de champ pour montrer que son champ de vision est au départ réduit. Puis un plan séquence au moment où il quitte sa chambre qui s’élargit. Le principe était d’apporter des mouvements de caméra de plus en plus complexes, mais petit à petit", note Mehdi Idir.


Pour que le jeu des acteurs sonne juste, ces derniers ont été coachés par le kiné de Grand Corps Malade et ont passé du temps avec des patients en centre de rééducation.


Quant à la BO, on s’attendait à un truc bien léché, vu le métier du réalisateur et on n'est pas déçus. Il a confiée la direction musicale à Angelo Foley, un artiste qu'il connaît bien pour avoir travaillé avec lui sur son dernier album "Il nous restera ça". Par ailleurs, Grand Corps Malade a écrit un titre pour le générique de fin de Patients : "J’ai longtemps hésité, je trouvais ça trop attendu. Puis je me suis dit que, dans la mesure où je n’interviens pas dans le film alors que c’est mon histoire, je pouvais le faire de cette façon mais, en deuxième partie de générique, après la chanson de NTM. J’ai écrit "Espoir adapté" sur la musique d’Angelo. Anna Kova chante le refrain."


J'ai donc trouvé ce film très très émouvant, très humain. Il aborde avec brio un sujet assez tabou au cinéma : le handicap, mais vu de l'intérieur ce qui est assez inédit.


A ce titre, j'ai retrouvé quelques éléments de similitude avec Le scaphandre et le papillon ou avec Johnny s'en va t-en guerre.

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le 14 avr. 2017

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