Cette critique révèle quelques caractéristiques de l'intrigue de Patients.
Il était légitime de craindre de Patients qu'il soit finalement une sorte de promo géante à l'effigie de sa star, un peu comme un Comment c'est loin version comédie dramatique; quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris, avec une certaine stupéfaction, qu'au lieu d'être l'histoire de Grand Corps Malade, dit Benji, c'était surtout un conte sur la vie de patients sur une hospitalisation de court durée, de l'état d'âme de ces cinq personnages principaux, tous mis en avant, tous attachants, tous humains.
Bête à dire, mais Patients porte très bien son nom; si c'est un biopic, c'est surtout l'histoire de vies détruites qu'on voit se reconstruire à petit feu, dans l'amour et l'amitié, dans le partage et l'individualité. Alors on rit de bon coeur de ces soignants qui tentent, par la non personnification des patients, de se détacher de l'émotion qu'ils peuvent éprouver à leur égard; que dire de la maladroite Christiane, source d'amusement pour ces jeunes défavorisés, ou du fameux Jean-Marie, qui ne parle aux patients que par l'intermédiaire de pronoms (im)personnels de la troisième personne du singulier.
On reconnaîtra tous les traits de caractère propres à un professionnel de santé qu'on a pu croiser lors d'une hospitalisation ou d'une visite d'un proche à l'hôpital, tout autant que la manière qu'ont les patients de fuir le drame de leur vie fera écho aux expériences que peuvent avoir les patients dans ce genre de service. Mais là où l'artiste réussit le plus son travail, appuyé par un Mehdi Idir sûrement de bonne aide, c'est dans ce traitement humoristique et cinglant de la maladie; loin de vouloir s'enfoncer dans le pathos dégoulinant des drames populaires, Patients traite son sujet avec une ironie savoureuse et complètement détachée de son sujet de base, manière de se défendre très intéressante à analyser pour un jeune patient face à la maladie.
Dans ce cadre évoluent donc cinq personnages, cinq acteurs apportant tous leur personnalité, leur voix unique, leur langage particulier; ils brillent tous chacun un peu, et s'en dégagent au final deux acteurs principaux : si l'on omettra de débattre sur le charme incontestable de la sublime Nailia Harzoune, on prendra comme noms de référence les jeunes Pablo Pauly, excellent en Grand Corps Malade, et Soufiane Guerrab, jeune loubar attachant au sourire de charmeur, qui en dira long sur sa personnalité et occasionnera des dialogues amusants sur son rapport aux femmes.
Parce qu'il y a, dans Patients, un rapport à l'autre unique : si les deux réalisateurs éviteront tout mélodrame, ils consacreront surtout leur film au réalisme de la maladie, qu'on cherche au début à fuir en tentant, ensuite, de l'accepter; pour cela, une rencontre en décubitus ventral, drôle au premier abord pour virer, plus tard, à la dépression, ou l'espoir d'une belle histoire d'amour, que la dure situation des deux "amants" rattrapera si tôt qu'on restera, après la fin de l'histoire, à espérer que les deux finissent ensemble.
Merci l'alchimie entre Pauly et Harzoune, deux découvertes au talent surprenant, qui cohabitent en se complétant, et offrent au film son charme, sa profondeur, sa fraîcheur. Parce qu'il y a dans Patients ce côté rafraichissant de la mise en scène, soignée, posée, esthétique, couplé à cette excellente bande-son, et de laquelle ne ressortent que très peu de chansons de l'artiste, seulement deux ou trois positionnées à des moments clés de sa vie, et qui donnent encore plus de sens à la séquence qu'elles accompagnent.
Une très belle histoire, réaliste et peu romancée dans sa structure narrative, proche des joies et des déceptions de la vie, sa fidélité s'incarnant dans cette histoire d'amour qui se finit comme se conclurait, réellement, l'histoire d'un homme qui ne savait pas parler aux femmes, et se projetait trop seul pour pouvoir seulement penser à cette âme soeur qu'il a, semble-t-il, laissé partir à vie. Attendons leur prochain film La Vie Scolaire, qu'on espère aussi profond, humain et réussi que ce Patients, véritable surprise méritant plus de visibilité que ce qu'il a en ce moment.
Très beau.