Ben,jeune basketteur de bon niveau,se retrouve tétraplégique à la suite d'un accident.Mais tout n'est pas irréversible dans son cas,et à la suite d'une longue hospitalisation dans un centre spécialisé il recouvrera une bonne partie de sa mobilité.C'est cette année de galères,d'efforts,d'espoirs et de déceptions,d'amitiés aussi, que nous conte le premier long-métrage de Grand Corps Malade et Mehdi Idir.A priori,c'est le genre de film qu'on eût aimé détester.On est ici en plein dans la clique gaucho-banlieusarde qui nous déballe à longueur de temps ses sous-produits navrants à l'usage des ahuris des cités,des bourgeois qui ont peur d'asphyxier en oubliant de respirer l'air du temps,des indigénistes pouilleux,des pseudo-intellos de la presse bien-pensante et des capitalistes toujours au taquet dès qu'il y a un marché à prendre et du fric à ramasser.Le scénario est écrit par Grand Corps Malade,de son vrai nom Fabien Marsaud,d'après son roman autobiographique inspiré de sa réelle expérience de la tétraplégie.On connait le gars en tant que seule star française du slam,cette curieuse discipline plus populaire aux USA qu'ici et qui se situe quelque part entre la poésie pour analphabètes déclinée en scansion et le rap sans la boîte à rythme.Rien de transcendant donc,ce qui explique le surnom officieux du mec,Grand Con Malade,mais il n'a pas beaucoup de concurrence et ça se vend bien,infirmant le dicton stipulant qu'il vaut mieux être plusieurs sur une bonne affaire que tout seul sur une mauvaise.Quoi qu'il en soit c'est tant mieux pour lui,l'insertion des handicapés est une noble cause.Le pool de production est très fourni,avec des intervenants habituels du cinéma français comme la Gaumont ou la Mandarin Productions d'Eric et Nicolas Altmayer,mais aussi la Kallouche Cinéma de l'ex humoriste Jean-Rachid ou la Fimalac du businessman aristo honteux Marc Ladreit de Lacharrière,sorte de sous-Soros capitalistique raffolant de la racaille.Bref ça s'annonçait mal,et c'est pourtant un putain de bon film,comme quoi il faut se défier des préjugés.Il est vrai que le film évite l'écueil de la propagande politique,qui n'a pas grand-chose à faire là,pour se concentrer sur le parcours médical d'un groupe de personnages en grande détresse.Les auteurs ne peuvent toutefois s'empêcher d'en glisser une,quand Farid note qu'il n'y a dans leur hosto que des prolos,et aucun Charles-Edouard de Versailles ou du XVIe,réflexion d'ailleurs à double tranchant puisqu'elle suggère que les riches sont dans l'ensemble moins cons que les pauvres.On peut cependant supposer que les accidents arrivent à tout le monde,peut-être les rupins sont-ils soignés dans des structures plus huppées,et puis il reste l'exemple de Bruno de Stabenrath.Sinon,effectivement ce pauvre Ben-Fabien n'a pas inventé l'eau chaude mais plutôt la piscine vide,celle dans laquelle il a plongé pour se fracasser les vertèbres.Après on vit quand même à une époque où on est capable de filer 380000 balles à "Brad Pitt",où certains ont voté Macron,deux fois!,et recommenceront si l'occasion leur en est donnée,où d'autres se croient à l'abri des maladies parce qu'ils se collent un morceau de papier-cul sur la truffe ou se font injecter des produits inefficaces et douteux,il y en a même qui croient sauver la planète en engraissant des escrocs vendeurs de moulins à vent,de plaques de ferraille qui rapportent plus de biftons que d'énergie ou de bagnoles sans autonomie.Dans ces conditions,inutile d'accabler notre basketteur aquatique,qui a payé bien cher sa stupidité."Patients" se déploie dans une ambiance....clinique,avec ses tons froids,ses couleurs neutres et ses longs couloirs vides.La réalisation est habile,enchaînant les scènes fluidement et multipliant les gimmicks,comme ces séquences où la caméra glisse latéralement pour enclencher la scène suivante.Les personnages et la narration sont bien gérés,tout est axé sur Ben mais il est sans cesse confronté à des protagonistes différents qui relancent l'intérêt d'une histoire qui aurait pu être ennuyeuse.Mais c'est surtout un film d'émotions,qui plonge le spectateur au fond du fond de la détresse et du désespoir.On a souvent tendance à se plaindre de nos petits problèmes,et là on se prend une énorme claque dans la gueule qui remet bien les idées en place.On est au plus près de ces gens plus ou moins paralysés,plus que moins généralement,de leurs handicaps atroces,certains ne peuvent plus bouger du tout,pas même un doigt ou un orteil,et ne le pourront plus jamais.C'est terrifiant,on s'imagine à leur place,on se dit qu'on va faire gaffe la prochaine fois qu'on prendra la voiture,et puis on oublie,et heureusement parce qu'on ne peut pas penser qu'à ça.Dans ce contexte sinistre,Ben a presque l'air d'un veinard.C'est un tétra incomplet,ce qui signifie qu'il peut remuer légèrement les doigts et les orteils,et qu'il a des chances de récupérer une partie de sa mobilité.Il y parviendra,mais ce sera long et difficile,il faudra une volonté de fer,des jours et des semaines de rééducation.Il y a les moments d'espoir et les instants de découragement,comme quand la toubib lui annonce tout de go que le sport c'est fini pour lui.Sa carrière de basketteur,son objectif de devenir prof d'EPS,il faut oublier.Vu de l'extérieur ça paraissait évident,mais Ben,qui progressait très bien,s'était installé dans un certain déni,ne réalisant pas que le simple fait de pouvoir se tenir debout et marcher avec une canne relevait quasiment du miracle.Et puis il y a l'humanité qui transparait,cette petite bande d'exclus de la vie normale qui se forme autour du héros.Le solaire Farid,paraplégique depuis l'âge de quatre ans qui ne sortira jamais de son fauteuil mais reste optimiste,le sombre Toussaint,sportif fauché par un accident de voiture,qui sait que c'est mort pour lui et qui a renoncé à se battre,le révolté Steeve,qui ne progresse pas et n'y arrivera probablement pas,oscillant entre combativité et coups de blues dévastateurs,la belle Samia,avec qui Ben entame une histoire d'amour en pointillés car compliquée par leur état,ou encore Eric,démoli par une chute de moto et qui ne rêve que de remonter en selle.Et il y a encore les soignants,les kinés,les docteurs,les infirmières,les aide-soignants,le personnel non médical,tous ces gens dévoués et empathiques qui doivent éviter de trop s'impliquer pour ne pas se laisser atteindre dans leur vie personnelle,celle qui est la leur à l'extérieur de l'hôpital.Il y a le kiné François,infatigable et obstiné,le docteur Challes,pragmatique,le jovial Jean-Marie,un peu beauf mais sympa,et Christiane,moins dure qu'elle ne veut le paraître.Ben a en outre la chance d'être bien entouré,paramètre important.Par ses parents d'abord,aimants et émouvants,et par ses potes du basket,qui ne le laisseront pas tomber.Contrairement à ce qu'on pourrait croire,le film est dur mais pas plombant,car régulièrement un humour,noir le plus souvent,vient alléger tout ce malheur,les personnages exorcisant de cette manière leur dramatique situation.On peut regretter l'usage fréquent de morceaux de rap bien pourris,pléonasme,mais inévitables dans ce type d'oeuvre,et une fin plutôt expédiée,car on aurait aimé en savoir plus sur le devenir de ceux que Ben a laissé derrière lui à l'hosto,et s'il a continué à entretenir des liens avec certains.Pablo Pauly est formidable dans le rôle principal,et tous les comédiens sont magnifiques.Côté patients on remarque Soufiane Guerrab,Moussa Mansaly,Nailia Harzoune,Franck Falise et Côme Levin.Dans l'équipe médicale on a Yannick Renier,le demi-frère de Jérémie,Alban Ivanov,Anne Benoît et Dominique Blanc.Plus Florence Muller et le cégétiste Xavier Mathieu qui jouent les parents de Ben.