L’étoffe du héros et de l’épouvantail à moineaux
Une entrée en matière mémorable. Une scène d’ouverture devenue culte. Ce gars, ce Patton, est debout devant nous en habits d’apparat, et parle. Derrière il y a un immense drapeau américain, et son auditoire est hors champ, donc on a l’impression qu’il s’adresse à nous. En quelques minutes, on a un aperçu du personnage, qui va décliner son CV pendant près de trois heures de film. On verra tous les angles de sa personnalité, ou plutôt ce qu’il veut bien montrer. C’est le pur héros américain, mélange de courage, de stupide super égo, de vulgarité, d’intelligence militaire, fanfaron, rigide, cultivé…meneur d’hommes aussi. Le personnage est complexe, mais le film bien écrit. Et le cadre bien situé, on a des décors majestueux et des costumes d’époque, le dépaysement intégral, rien à dire, on y est. C’est la fin de la guerre, la victoire est proche, et Patton me fait l’effet d’un pion qui continue à jouer aux va-t’en guerre. Il vit dans le passé, et serait prêt à aller à Berlin chercher la tête d’Adolf Hitler pour le ramener au président des Etats-Unis qui ne lui a rien demandé. Son égo le pousse à faire littéralement la course avec l’anglais Montgomery, pour savoir lequel arrivera le premier pour libérer l’Italie, La Sicile, Paris... Les combats sont assez réalistes pour nous rappeler que la guerre ce n’est pas un jeu, contrairement à Patton qui s’amuse beaucoup. Et les allemands sont presque sous le charme ; pour eux, il est une sorte d’ « anachronisme ambulant », ils ne savent pas par quel bout prendre cet animal. Et les américains, pas bêtes, pilotent astucieusement c’est énervant général Patton, en ce sens, en flattant son égo, et lui ne voit que du feu. Et oui ! En haut lieu on a bien compris que les allemands « aiment » Patton, car ils le trouvent très prévisible. On l’utilise donc pour faire diversion, alors que le vrai combat est ailleurs. Pauvre Patton, héros et épouvantail contre son gré. Une mise en scène hollywoodienne, un subtil équilibre entre anecdotes et faits historiques, c’est sans doute pour ça que les presque trois heures passent si vite. G.C. Scott est très bon, car il ne se laisse pas envahir par son écrasant personnage. Il semble dire : « Je ne suis pas là pour être aimé. Admirez-moi plutôt ! ». Et les seconds rôles sont là, impuissants, admiratifs, énervés, ou faire-valoir. Et pour finir, entre grandeur et aveuglement de la grandeur impossible à atteindre, Patton se retrouve seul à promener son chien. Le décalage entre cette dernière scène et le reste du film est tellement grand que ça devient pathétique et drôle.