Pauvres Créatures (Titre original : Poor Things) est une comédie noire surréaliste et rétrofuturiste irlando-britannico-américaine réalisée par Yórgos Lánthimos, sortie en 2024. Il s'agit de l'adaptation du roman du même nom de l’Alasdair Gray, romancier, poète, dramaturge et peintre écossais inclassable, publié en 1992. Emma Stone, l’actrice principale, raconte que Yórgos Lánthimos raconte, dans une interview que, fasciné par le roman Pauvres créatures, avait l’idée de réaliser un film inspiré par le livre, dès 2019 mais le projet a été reporté pendant plusieurs années en raison du COVID.
Présentation
Le film est censé se dérouler à Londres, à l’époque victorienne. Mais il s’agit d’un Londres totalement phantasmé, avec des anachronismes voulus et des prises de vue déformées. Il en est de même pour Lisbonne, le bateau de croisière, Alexandrie et Paris où se déroulent les tableaux suivants.
Dans la toute première image, très colorée, on voit une femme de dos, se tenant sur un pont, et hésitant quelques minutes avant de se laisser tomber dans la Tamise. Les scènes suivantes sont en noir et blanc. On voit le corps être dragué puis nous assistons, dans un amphithéâtre, par la dissection d’un corps par un homme au visage effrayant, le Dr. Godwin Baxter (Daniel Defoe). On apprendra au cours du film qu’il a été la victime de son père, lui-même chirurgien renommé qui a fondé le collège de médecine, qui lui a fait subir enfant d’horribles transformations dans un but soi-disant scientifique.
On apprend aussi que Baxter a pratiqué sur la morte, qui était enceinte lors de son suicide, une invraisemblable opération, greffer le cerveau de l’enfant sur le cadavre de sa mère.
C’est ainsi que l’un de ses étudiants, Max McCandless (Ramy Youssef) est amené à rencontrer Bella (Emma Stone), qui est le résultat de cette « expérience ». Lorsqu’il la découvre, Bella est une sorte de robot qui se déplace par à-coups et n’utilise qu’un nombre réduit de mots pour s’exprimer. Godwin (qu’elle appelle « God ») la tient enfermé dans une maison à son image, peuplée de chimères (chien sur lequel a été greffée une tête de canard, etc.). Loin d’être horrifié par ce qu’il voit, Max tombe immédiatement amoureux de Bella et envisage même le mariage avec elle.
Lors de la préparation de l’acte de mariage, par lequel Max s’engage à se marier avec Bella mais à ne pas la laisser sortir de la maison de Godwin, Duncan Wedderbum (Marc Ruffalo), est convoqué par Godwin. Découvrant Bella cloîtrée, il lui révèle les choses du sexe et l’enlève pour l’emmener à Lisbonne. Là, ils passent le temps à copuler, terme plus adéquat, en l’espèce, que « faire l’amour » car Bella ne poursuit aucun autre but que le plaisir que lui procure l’acte sexuel. C’est Wedderbum, un homme dépravé qui n’aurait jamais s’éprendre d’une femme, qui tombe amoureux et devient jaloux. Pour l’empêcher de se faire sauter par le premier venu, il l’enlève à nouveau et elle se retrouve sur un bateau de croisière où elle fait la connaissance d’un couple atypique, Martha von Kurtzoc (Hanna Schygulla), une délicieuse vieille dame richissime et son « accompagnateur », Harry Astley (Jerrod Carmichael) qui l’initient à la littérature et à la philosophie. Lors d’une escale à Alexandrie, Emma, dont le sens moral s’est développé à leur contact, découvre l’extrême misère et décide de donner la fortune gagnée par Duncan au casino à ces pauvres malheureux. Ils se trouvent alors sans le sou pour payer leur voyage et sont débarqués sans ménagement en France.
Bella se met en quête d’un hôtel et tombe sur un bordel, tenu par l’affreuse Mme Swiney (Kathryn Hunter) qui l’embauche parmi ses « filles ». Bella, qui n’a toujours aucun jugement moral, se livre à la prostitution comme à une nouvelle aventure. Elle est prise en amitié par l’une des prostituées, Toinette (Suzy Bemba) qui, ensuite, l’accompagne à Londres.
De retour dans la capitale britannique, elle retrouve God mourant et Max et ils préparent le mariage.
Celui-ci est interrompu par l’intervention du général Alfie Blessington, l’ancien mari de Bella qui, en fait, s’appelle Victoria Blessington, et l’emmène chez lui. Dans l’hôtel des Blessington, le personnel est terrorisé par leur maître. Bella se rend très vite compte que son ex-mari est un sadique de la pire espèce et, alors qu’il veut lui faire boire un cocktail pour l’endormir afin de pouvoir la mutiler, elle se défend et il se blesse avec l’arme avec laquelle il la menaçait.
Dans la dernière scène, qui se passe dans le jardin anglais attenant à l’hôtel Goldwin, toute l’équipe, Bella en tête, profite du calme et des rayons du soleil, avec un général Blessington transformé en chèvre.
Autour du film
Yórgos Lánthimos est aussi le réalisateur de La Favorite.
Le roman se déroule à Glasgow, ville natale de l’auteur d’Alasdair Gray, mais le film a été transposé à Londres, dans un Londres gothique et imaginaire.
Dans une interview sur Dailymotion, Emma Stone se confie sur les nombreuses scènes de sexe et de nudité du film, et dit qu’elle qui avait toujours refusé de faire des scènes de sexe, s’est trouvée à l’aise dans celles-ci car son personnage est sans complexe et ne connaît aucun sentiment de honte.
Mon opinion
Je ne serais sans doute pas allé voir ce film si j’avais su qu’il contenait autant de scènes de sexe. Je me suis fié aux critiques dithyrambiques que j’ai lues et aux nombreuses distinctions qu’il a reçues (classé parmi les dix meilleurs films de 2023 par l'American Film Institute et par le National Board of Review, Golden Globe du meilleur film musical ou de comédie, Emma Stone étant sacrée, à juste titre, meilleure actrice dans un film musical ou une comédie). Malgré tout cela, je ne regrette pas d’avoir vaincu mes préjugés.
Ce qui m’a aussi déterminé à aller le voir, c’est Emma Stone, que j’avais découverte et appréciée dans La la land. Je dois reconnaître que sa performance, dans ce film, est exceptionnelle, non pour ses exploits sexuels (quoique !) mais pour la manière dont elle incarne ce personnage brisé et son évolution spectaculaire au cours du film.
On y retrouve l’ambiance des films de Tim Burton, dont le cinéma, mélange d’humour noir, d’ironie et de macabre, se caractérise par un défilé de créatures monstrueuses. Dans Poor Things, Bella est la lointaine cousine d’Edward aux mains d’argent ou des enfants réprouvés de Miss Peregrine et les enfants particuliers mais sans la poésie qui sous-tend toujours les films du réalisateur américain. Quant aux décors de James Price, d’une inventivité extrême (qui font penser à ceux de A la croisée des mondes : La boussole d'or), et aux costumes de Bella (de Holly Wadington), ils sont tout simplement époustouflants. La musique dissonante due à Jerskin Fendrix, même si elle fait grincer des dents les spectateurs, est en parfait accord avec le reste du film, en particulier, au début, avec la démarche saccadée de Bella, et transcrit bien aussi son état mental, celui d’un cerveau déglingué qui, peu à peu, retrouve ses capacités et son « humanité ». Il n’en reste pas moins que ce film, présenté comme une comédie, n’est pas à la portée de tout le monde et marquera les spectateurs qui l’ont vu.