Un film pour le moins déconcertant. On est dans un premier temps subjugué par l'ultra esthétique de cet univers extraordinairement fantasmé, mais une fois passé l'éblouissement rétinien, force de constater, qu'il n'y a rien de bien novateur dans tout ce factice poétique.
Le scénario se révèle, quant à lui, aussi pauvre que les créatures envoûtantes qui l'habitent, avec un féminisme clé de voûte en bandoulière, plus convenu qu'acharné, au mordant maladroitement féroce, faisant rimer le libertaire avec l'immaturité, réduisant ainsi l'émancipation de la femme à un violent caprice bourgeois, et non pas à une saine prise de conscience évolutive, à la fois éclairée et éclairante.
La liberté sexuelle est explicitement l'enjeu majeur de ce noble combat, mais justement, majeur qu'en est-il ? A-t-on l'âge de ses organes ou celui de son développement cérébral ? La fable didactique devient alors plus gênante que pénétrante.
Le combat dans son exposition, se doit d’être mené contre des figures emblématiques du patriarcat tout-puissant. Nous avons, tout d’abord, le Dieu facétieux à la face cassée, qui, avec un détachement résolument scientifique, observe et éduque sa création expérimentale plus qu’il ne la contemple, la dirige, ou la domine. Puis surgit magistralement, le pathétique hédoniste égoïste, qui, pour pouvoir jouir sans aucune retenue de sa très très chère liberté, nie tout simplement celle des autres, chosifiant à sa guise toutes et tous quel que soit leur genre. Mais voilà, il tombe sur plus inconsciemment ou horriblement libre que lui c’est selon, et contraint, comme tout à chacun, de se consumer pour ce qui lui apparait comme étant inaccessible, il se réduit à son tour à l’état d’esclavage. La dernière, et pas la moindre, est celle de l’ignoble légitime. Sinistre personnage, qui entend bien faire valoir ses droits sur sa propriété, quitte à la séquestrer ou à la mutiler en lui coupant les ailes du plaisir. Mais voilà, pourquoi en faire un sadique fou ? Même si cela ne soit pas nécessairement antinomique, il semble alors davantage agir sous l’influence d’un déséquilibre mental, plutôt que selon les principes sociétaux d’un mode de pensée aliénant.
Plus que devant un pamphlet contestataire, nous sommes ici en présence d’une fable au bestiaire bien cruel, dont la seule lueur d’espoir réside dans le refus d’enfanter, non pas pour revendiquer le droit à disposer de son corps, mais afin de ne pas engendrer une énième monstruosité.... Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'une trop grande "hype" outre-Atlantique ne sonne la date de péremption du génie créatif de Yorgos Lanthimos au lieu de lui permettre de gagner en ampleur.