Le film nous plonge dans un univers en noir et blanc à mi-chemin entre Frankenstein et L'Enfant sauvage.
Lorsque Bella, le personnage principal découvre la masturbation, c'en est grotesque. Son désir et le désir des autres personnages pour elle suscite le malaise. Sa sexualité devient le point focal du film.
Bella n'a aucun surmoi, puisqu'elle a le cerveau d'un enfant et n'a connu que la vie recluse. Elle voyage et navigue dans un monde qui s'attend à ce qu'elle ait les normes, alors qu'elle ne les a pas. Ce procédé narratif est somme toute assez usé. Les scènes où elles découvrent le sexe, qu'elle appelle "furious jumpings", ou lorsqu'elle ne comprend pas le second degré, n'apportent pas grand chose, et l'effet comique escompté rate.
J'ai largement préféré les passages où l'absurde était assumé : à commencer par la rencontre avec Martha, une vieille dame qui semble avoir la tête bien faite, et s'engage sans aucun à priori dans des conversations lunaires avec Bella.
Ce qui est intéressant, c'est bien-sûr le regard masculin porté sur elle. Duncan W. la désire parce qu'elle est est une machine à sexe, elle est incapable de penser. Quand elle commence à le dépasser intellectuellement, il ne le supporte pas et veut l'empêcher de lire.
La domination masculine est ensuite analysée dans le cadre du bordel : on nage en plein dans l'absurde et le grotesque avec le cas d'un père de famille qui donne un cours d'éducation sexuelle à ses deux enfants.
Le personnage de Max est ambigu, il paraît bon et sincère, mais il a eu le vice de vouloir épouser Bella au moment où elle était encore à un stade enfantin de son développement.
L'ancien mari de Bella s'avère être une sorte de marquis de Sade, d'où la dépression initiale de Victoria : première boucle bouclée. Heureusement, Bella parvient à le tuer, et lui impose une opération pour remplacer son cerveau avec celui d'un autre être vivant : deuxième boucle bouclée. Effet comique réussi.
Au final, Bella trouve le réconfort dans le lesbianisme, thème récurrent dans le cinéma de Lanthimos.