Dur de savoir dans un premier temps si on avait à faire à une œuvre puissante, unique, esthétiquement originale ou si c'était une véritable croûte prétentieuse qui veut aborder beaucoup trop de choses.
Commençons par les qualités difficiles de nier. Le casting est judicieux, Willem Dafoe et Mark Ruffalo incarnent parfaitement leur personnage. Emma Stone se donne à fond et livre une de ses meilleures prestations. Les éléments rétro-futuristes d'un 19ème siècle "avancé" sont crédibles.
Pour ce qui est de la mise en scène et de la direction artistique, le tout peut paraître indigeste mais je penche pour dire que le côté foutraque/bizarre/halluciné du film est renforcé à bon escient. Nous ne sommes pas exemptés de beaux plans, surtout en intérieur. Et le traitement des thèmes ? Pauvres Créatures est conçu comme un conte philosophique illustrant l'apprentissage de la vie par une jeune femme. Toutes les étapes par lesquelles Bella passent sont intéressantes, toutes ses rencontres (positives ou négatives) font sens et sont prenantes.
C'est une réussite bien qu'il faille relativiser certains points. On lit ici ou là que le film serait féministe. Il l'est sans doute mais est-ce que l'apprentissage de la vie passe nécessairement par le cul et presque seulement le cul ? C'est peut-être un peu réducteur. On ne peut pas parler non plus de subversion puisque les sujets de l'emprise, de la volonté systématique (supposée) de domination des hommes et de leur ridiculisation sont tout de même souvent abordés au cinéma ces derniers temps et restent "in" si j'ose dire. Toutefois, contrairement aux superproductions, qui glissent du féminisme à travers des situations ou des répliques qui tombent comme un cheveu dans la soupe juste pour cocher les bonnes cases, le réalisateur grec et ses scénaristes sont tout de même trop doués pour ne pas être subtils et plutôt pertinents.
Je ne crois vraiment pas que ce soit la grande claque de 2024 mais c'est à voir car on marche sur un autre sentier du cinéma américain, plus agréable, bien quelque peu balisé.