Je connais très peu Dino Risi dans les faits, et ne pouvant pas juger ce "Pauvres Millionnaires" à l'aulne de la trilogie dans laquelle il s'inscrit, il en résulte une comédie étrange, empruntant plusieurs chemins différents, au ton léger et assez agréable. Le couple de couples sert de support au portrait d'une certaine jeunesse, prise dans une succession de situations fâcheuses, coupée dans son élan et dans son aspiration à accéder à un certain confort matériel.
La première partie du film laissait suggérer une comédie burlesque vaguement américaine, comme héritée du cinéma muet avec ce comique de répétition sur le thème des trains pris et des trains ratés entre les hommes et les femmes. Deux lunes de miel qui s'annoncent compliquées... Mais en réalité il s'agissait d'un avant-goût presque hors-sujet, car l'essentiel du film tournera autour d'une configuration originale : suite à un accident, l'un des deux perdra la mémoire et sera précipité chef d'un magasin, oubliant toutes ses relations passées, ami comme femme. La comédie s'articulera ainsi autour d'une longue série de quiproquos et de contretemps divers, s’enchaînant parfois à une grande vitesse. On penserait presque à une screwball comedy.
On aurait aussi pu croire à une forme de néoréalisme, avec la description de l'appartement bancal dans lequel les 4 lurons vivent : pris dans des rêves démesurés par rapport à leur situation, ils logeaient entre quatre murs dénués de fenêtres car la pose s'est avérée trop onéreuse. Mais c'est bien la satire de la bourgeoisie, autant que des pauvres qui se rêvent aristocrates, qui occupe le centre du tableau. Renato Salvatori, confortablement installé dans sa nouvelle vie bordée d'opulence, goûte au luxe en même temps qu'il devient parfaitement odieux, donnant lieu à du burlesque social simple mais rafraîchissant. Sa femme sera l'héroïne d'une reconquête amoureuse intéressante, puisque son mari amnésique retombera amoureux d'elle suite à de nombreuses péripéties (incluant une vitrine étrange). La satire reste très tendre, mais le portrait quasi sociologique des années 50 italiennes (problèmes de logement, aspirations économiques, attachements familiaux, désir d'indépendance) se suffit presque à lui seul.