L'attaque de Pearl Harbor fait partie des ces événements historiques passionnants à analyser, regorgeant de détails qui pourraient être cinégéniques. Le Japon, pris en étau entre son expansionnisme militariste et les embargos américains sur le pétrole, concevra habilement un plan audacieux pour anéantir la flotte américaine du Pacifique. En face, le président Roosevelt sait que le conflit est inévitable, mais ne peut attaquer le premier, car ligoté par ses promesses électorales isolationnistes. Et les Etats-Unis, souffrant sans s'en rendre compte d'une décentralisation du renseignement et d'une dilution de l'information, ne sauront pas anticiper une attaque qu'ils subiront de plein fouet.
Malheureusement, tous ces éléments intéressent peu Michael Bay, qui tente ici de se la jouer "Titanic", avec une histoire d'amour au milieu d'événements spectaculaires... mais se vautre en beauté. En premier lieu, l'intrigue du trio amoureux s'avère assez vite sirupeuse, prévisible et raz-des-pâquerettes, sans compter que les trois acteurs semblent enfermés dans des personnages monodimensionnels. Le souci, c'est qu'elle concentre une grande partie du film, les séquences d'intrigue militaire ou de bataille se limitant peut-être à un tiers du métrage !
Concernant l'aspect militaire, le film simplifie ou piétine régulièrement les faits historiques. Une anecdote qui en dit long sur la volonté de réalisme et de subtilité de Michael Bay : interrogé par quelqu'un qui lui dira que ses avions japonais sont de la mauvaise couleur, le réalisateur répondra qu'il le sait très bien, mais que la couleur choisie permet de bien "différencier les gentils des méchants" ! Ainsi, par exemple, les lieutenants Welch et Taylor, dont sont inspirés les personnages de Ben Affleck et John Hartnett, n'ont jamais participé au raid Doolittle. L'un d'eux, ayant vu le film, le qualifiera d'ailleurs de "piece of trash"...
Ceci dit, soyons honnêtes : la séquence de l'attaque aérienne faisait son effet en 2001, appuyée par un montage sonore convaincant et par un gros budget explosif. Mais aujourd'hui, les images numériques piquent un peu... et le montage parfois brouillon des séquences aériennes détonne. Sans compter une mise en scène générale souvent maladroite, entre des plans trop serrés lors des scènes intimistes qui masquent des parties de visage, des éclairages grossiers, et des couchers de soleil toutes les 15 minutes.
On passera sur le côté patriotique dont raffole le public US : les divers drapeaux étoilés ça et là, les références à la suprématie américaine, et le besoin revanchard d'étendre le scénario jusqu'au raid Doolittle, présenté ici à tort comme ayant eu autant d'impact que la bataille de Midway !
En somme, "Pearl Harbor" contient quelques scènes spectaculaires, mais sa guimauve mélodramatique et son traitement pachydermique de la guerre lui donnent une allure propagandiste d'un autre temps. On lui préférera "Tora ! Tora ! Tora !", même si moins spectaculaire.