En lisant, écoute Anonymous Rejected Filmscore
Curieuse expérience que ce Peppermint Candy dont on ne ressort pas indemne. Dérangé, happé par cette vie faite d'égoïsme, de virilisme exacerbé et de violence. La vie d'un sale type à qui il ne reste plus qu'à crever.
Enfin, commençons pas le commencement. Sa fin.
Peppermint Candy s'ouvre sur une scène de pique-nique entre amis, chanson et boisson au bord d'une rivière tandis que s'invite un curieux personnage manifestement saoul. Son comportement erratique, ses cris et pleurs dérangent autant le groupe d'anciens amis que le spectateur. L'homme finit par grimper sur une voie ferrée pour une rencontre du type létale avec un train.
Je reviens
Ces mots jetés à la face de la locomotive hurlante amorcent une odyssée temporelle, délice visuel d'un voyage à rebours dans la vie de ce bougre tourmenté au travers de six périodes de sa vie, trois jours plus tôt, puis remontant jusqu'à un automne de 1979, vingt ans plus tôt, date du premier pique-nique avec ses amis, à cet endroit.
Lee Chang-dong - réalisateur d'Oasis, Secret Sunshine, Poetry, auteur de nouvelles - propose une plongée dans la psychologie d'un personnage torturé aussi bien que dans celle d'un pays tourmenté par son passé. Sa pellicule porte en creux tous les traumatismes d'une Corée hantée par un passé qu'elle traîne comme un boulet, crise de l'emploi et choc social dans les années 1990, démocratie sacrifiée sur l'autel du régime militaire de Chun Doo-hwan dans les années 1980.
Kim Yong-ho - brillamment interprété par Sol Kyung-gu - est présenté comme le produit d'un passé auquel il tente vainement d'échapper. L'inéluctable fatalité de sa destinée nous apparaît clairement dans ces passages de transitions, métaphore efficace de ce train qui remonte le cours du temps afin de nous éclairer sur le passé de cet homme abject, méprisable, dur et parfois lâche.
Intelligente, la critique sociale se fait insidieusement à travers l'image de cet homme qui traverse les grands bouleversement de la vie coréenne, Lee Chang-dong faisant un parallèle entre histoire et psychologie. Vingt ans d'histoire de la vie d'un homme, cela se traduit aussi par vingt-ans d'histoire de son milieu. On assiste à sa carrière d'entrepreneur et la crise qui le frappe de plein fouet, on le voit policier, pratiquer la torture jusqu'à en retirer un certain plaisir. On le voit mari violent qui délaisse une épouse pour laquelle il ne semble éprouver qu'un vague désintérêt, on le voit amant insensible pleurer sur un amour perdu tout en se fermant à toute humanité.
Et se dresse sous nos yeux l'histoire d'un homme piégé par un passé trop lourd, un passé qui se rappelle constamment à lui sous la forme de petits bonbons à la menthe, symbole de son traumatisme comme de son premier amour avec Yun Sun-im. Toujours en toile de fond, l'idylle adolescente se veut symbole de l'innocence à jamais perdue, innocence que lui-même s'emploie à briser.
Si odieux soit-il, ne peut-on pas éprouver de la pitié pour un homme qui s'est vu porter sur un mauvais chemin, marqué par un choix imposé qui finira par le ronger, l'emprisonner dans un schéma contre lequel son être se révolte ?
Brillant dans sa mise en scène allant jusqu'à rendre ses phases de transition en « retour arrière » fascinantes, c'est dans sa narration à rebours que Lee Chang-dong impressionne, dévoilant tour à tour les stigmates d'un pays à travers ceux de son personnage
jusqu'à ce climax qui prend place durant le massacre de Gwangju.
Boucle de vingt ans, amer constat sur un destin marqué par l'échec,