James Bridges est un réalisateur très oublié et sous-estimé,"Perfect" en étant un exemple éloquent.Le film avait été considéré à sa sortie comme un énième musical destiné à exploiter la popularité de John Travolta en tant qu'acteur-danseur.Or,il ne s'agit pas de ça du tout et l'oeuvre est intéressante à plus d'un titre.Nous suivons la vie agitée d'un reporter du magazine Rolling Stone,qui doit rédiger des articles sur deux sujets bien différents.Le premier,sérieux,concerne les démêlés d'un magnat de l'informatique avec la justice et le gouvernement américain.Le second,beaucoup moins sérieux en apparence,est consacré à la mode des clubs de fitness,en plein boum en ce milieu des années 80.Etrangement,c'est ce dernier qui va devenir le plus important pour notre journaliste,dans la mesure où il s'éprend d'une belle prof d'aérobic.Précisons que le film,se basant sur des papiers réellement publiés dans Rolling Stone,est inspiré d'une histoire vraie.La structure est celle d'une comédie romantique,mais de nombreux sujets viennent s'y greffer.Et la romcom elle-même s'affranchit de la plupart des stéréotypes du genre.Les deux personnages principaux s'attirent immédiatement,tombent amoureux rapidement,et couchent vite ensemble.C'est après que les choses se gâtent,peu à peu et pas pour des motifs futiles.Un des arcs narratifs consiste en une réflexion à propos du métier de journaliste,de la chasse au scoop,de la déontologie à géométrie variable,et surtout de l'impact parfois désastreux que le travail du reporter peut avoir sur ceux qui en font l'objet.L'essor des clubs de remise en forme,loin d'être un gadget scénaristique,est également traité en profondeur,sous son aspect sociétal.Adam,le reporter,décide de le présenter sous un angle particulier,estimant que ces endroits ne sont rien d'autre que des lieux de drague supplantant,car plus présentables,les rencontres dans les bars.Ca s'avère exact,mais Bridges pousse plus loin l'analyse.Ce nouveau culte du corps parfait masque en fait le profond désarroi d'êtres en manque de confiance,d'estime de soi,de stabilité relationnelle et émotionnelle et,évidemment,en recherche d'amour.Autant de vides qu'ils croient pouvoir combler par le narcissisme et la séduction.Déjà,en ces temps maintenant lointains,le mal-être de l'humain occidental se manifestait clairement et le club du film préfigure ceux d'aujourd'hui,avec toutes leurs disciplines en "ing".Toutefois,n'allez pas croire que "Perfect" est un pensum plombant,car il s'agit aussi d'un spectacle très distrayant.Les cours de fitness sont carrément impressionnants,les protagonistes y exprimant une vivacité,une souplesse et une puissance physique étonnants,le tout chorégraphié avec une précision à faire pâlir les zumbas et autres flashmobs actuels.La musique,euphorisante,est au diapason et la BO est d'enfer.On ne peut non plus passer sous silence l'érotisme qui baigne le film,celui-ci regorgeant de filles canon en bodys très ajustés et de beaux mecs en collants moule-burnes,adoptant lors de leurs exercices des postures pour le moins équivoques.Travolta confirme ici qu'il est un acteur incroyable et fait ressortir avec classe et sobriété les affres d'un cynique désinvolte pris au piège de l'amour et coincé entre professionnalisme et sentiments.Il est à remarquer que,contrairement à ce qu'on aurait pu penser,ses qualités athlétiques ne sont pas utilisées.Heureusement d'ailleurs,car lors de la seule séance de fitness à laquelle il participe,il fait preuve d'une facilité guère conforme à la nature de son personnage,lequel est décrit comme un inactif anti-sportif.Sa dame de coeur,Jamie Lee Curtis,est belle à se damner.Au-delà d'un corps de rêve,elle est bluffante dans les scènes d'aérobic,où elle se donne à fond et qui ont dû lui demander un sévère entraînement.D'autre part,elle exprime de manière sensible le mélange de force et de vulnérabilité de son personnage.Après,le film est un peu long,un peu moraliste,pas toujours bien rythmé,mais on passe globalement un sacré bon moment.En somme,"Perfect" n'est pas parfait,mais c'est quand même du cinéma comme on n'en voit plus beaucoup.