Perfect Blue
7.8
Perfect Blue

Long-métrage d'animation de Satoshi Kon (1997)

Perfect Blue, réalisé par Satoshi Kon et sorti en 1998, est un film aux nombreux défauts qui sont bien souvent balayés par la critique. Son problème majeur tient de ses graphismes, qui pourraient presque être inacceptables si l’on replace ce long-métrage dans son contexte historique, et que l’on prend le temps de voir quelles productions lui sont antérieures ou contemporaines (Le Tombeau des Lucioles, de 10 ans son ainé, Princesse Mononoké le précède d’un an). Paradoxalement, le film développe une esthétique brillante autour de l’usage des couleurs, et certains plans sont en effet très beaux — le visage de Mima encadré par son aquarium, prisonnière d’une réalité alternative, d’un monde autre qu’elle ne comprend pas. Contrairement à ce que le titre du film laisse entendre, c’est bien l’usage du rouge qui marque toute son esthétique, autour de la violence — qui pourrait être extrêmement difficile si nous n’étions pas face à de l’animation — et de la folie. C’est le rouge qui marque le dédoublement de la personnalité de Mima, marquant toute les occurrences de son alter-ego. Le rouge nous laisse également deviner, pour les plus attentifs, l’une des grandes révélations finales concernant le complot qui piège notre actrice — essayer d’être succincte pour ne pas spoiler, essayer d’être succincte pour ne pas spoiler.  

Le film peut être découpé en deux parties bien distinctes : l’une prend son temps, met son décor et ses personnages en place et installe progressivement la folie qui s’immisce insidieusement en Mima. C’est la scène de la séance de photo, et la rencontre — qui n’est pas la première — entre Mima-actrice et Mima-pop idol dans une salle de bain écarlate, qui marque le basculement du long-métrage vers le chaos. Dès lors, le spectateur se voit dérober toute clef de compréhension, et on lui refuse le droit de savoir s’il se trouve dans la réalité ou dans les illusions de l’actrice. Le parallèle avec le scénario de la série qu’elle est en train de tourner est malheureusement peu subtil, mais essentiel pour perdre le spectateur entre le réel et l’irréel. Dès lors, le film s’enfonce dans certaines répétitions qui une nouvelle fois, bien qu’elles puissent être remises en question, justifient la perte de repères et d’ancrage dans le monde réel. Nous n’avons plus qu’à suivre le fil de l’histoire, s’il en demeure un, et se laisser porter par des chimères fantasmagoriques — marquez la redondance.
Concernant l’issue finale, la dernière scène, elle marque l’importance des mots et des couleurs, une nouvelle fois, et demande une attention exacerbée afin de comprendre quelle est la véritable fin, libre à l’interprétation du spectateur, laissant planer un ultime doute.
Adoratrice de David Lynch, qui incarne sans doute l’une des inspirations principales de Satoshi Kon, du moins pour ce film, j’ai particulièrement apprécié son ambiance psychédélique, bien que le film semble se retenir d’aller plus loin. J’aurais peut-être aimé voir les dessins incarner la folie de ses personnages, partir dans des plans irréels, comme le suggère l’affiche sublime du film. Ici, le film demeure très timide — dommage. Rappelons néanmoins que Perfect Blue est le premier long-métrage du réalisateur, qui ne peut que nous donner envie de poursuivre sa filmographie.
lolitamng
7
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le 27 mai 2018

Critique lue 271 fois

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