Starbucks sans filtre est un documentaire brillant dans son ambivalence : si l'objectif premier, le plus évident, est de montrer la face cachée du géant américain, le véritable but du long-métrage est d'amener son spectateur à pousser la réflexion au-delà d'une simple équation entre bien et mal. Nous avons ici affaire à une multinationale qui utilise magistralement communication et marketing pour se parer d'une dorure "écolo-friendly-progressiste", ce qu'elle est loin d'être. Pourtant, si Bovon et Hermann, par un montage astucieux, se bornent à détruire l'entreprise sous tous ses aspects — nous n'en attendions pas moins du producteur de Cash Investigation — il me semble que l'on peut questionner la capacité de Starbucks à s'engager sur la voie d'un progressisme plus réel. C'est sur l'épisode du racisme que cela est le plus frappant, car il semble que son PDG possède, bien que dissimulées, quelques valeurs, ce qui nous amène à nous demander si cette fermeture des magasins après un incident raciste ne soit qu'un coup de communication, ou bien une réelle intention de repentance.
De plus, nous témoignons ici d'une très bonne démonstration de ce qu'est le journalisme d'investigation, au travers de cette femme restée deux mois dans un café parisien en tant que vendeuse, durant lesquels elle a pu interroger ses collègues sur toutes les failles de l'entreprise.
En outre, les différentes interviews ne laissent passer aucun protagoniste hors des mailles du filet (haut représentant de la marque sur le sol français, ex-employé rebelle, anti-mondialistes, cultivateurs de café et professeurs d'histoire / de sociologie pour éclairer les stratégies marketing).
Somme toute, un excellent documentaire, global, profond, qui démontre l'essence du métier de journaliste.