La vie à coups de javel
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Bien que j'avais évidemment entendu parler du réalisateur, je n'avais jusque-là pas eu l'occasion de voir un de ses films. Je tiens d'abord à saluer l'idée de faire d'un de ces hommes pauvres au métier invisible la figure centrale d'un film. C'est courageux (même si c'est à relativiser comme on parle d'un réalisateur déjà très célèbre et acclamé par la critique depuis des décennies) de faire un film de plus de 2h sur un homme qui lave les toilettes de Tokyo. La simplicité de sa vie est caractérisée, d'une part, par le fait qu'il doit assouvir certains besoins en dehors de son domicile: se laver, aller à la laverie pour ses vêtements, ou la nécessité visiblement d'aller en ville lorsqu'il veut manger un vrai repas, sa kitchenette paraissant très sommaire et peu propice à la cuisine. D'autre part, le caractère répétitif des gestes qu'il accomplit, notamment au travail, est caractéristique d'une routine, d'une vie banale. La prestation de l'acteur, Kōji Yakusho, est remarquable, comme en témoigne par exemple cette scène dans la voiture où il écoute de la musique et son visage exprime une panoplie d'émotions assez incroyable. Le film ne tombe pas non plus dans le cliché en choisissant un homme de lettres pour faire ce métier. Ceci étant dit, il y a pour moi un problème dans ce film, et c'est ce qui fait que pour moi c'est 7 et non 8/10. Il me semble que le message du film est que le bonheur est dans les choses simples. Hirayama, le personnage principal, est heureux dans son travail. Un enfant qui lui fait un sourire en sortant des toilettes peut suffir à le combler. Il profite de ses moments de détente à fond, comme lors de sa pause de midi dans un parc où il fait des photos d'un arbre avec lequel il a une relation presque amicale. C'est ainsi que la qualifiera en tout cas sa nièce, jouée par Arisa Nakano. D'ailleurs, j'aime bien les séquences oniriques en lien avec ce lieu. En soi je suis d'accord avec le message que le bonheur est dans les choses simples, c'est d'ailleurs agréable de voir des réalisateurs connus porter ce message, qui, sans être d'une originalité folle, contraste quand même avec le travail de réalisateurs comme James Cameron, qui sont pour moi un peu des bourrins fascinés par des scénarios avec des guerres entre civilisations. Cependant, on ressort presque de ce film en ayant envie de prendre le prochain vol pour Tokyo et de devenir nettoyeur de toilettes.
Or Wim Wenders, qui visiblement n'a pas voulu choquer les spectateurs (essentiellement CSP +/ bourgeois dans la salle où j'ai vu le film, ce n'est peut-être pas un hasard), et voulu que le film soit catégorisé "tous publics" pour être diffusé partout (alors qu'il n'a pas besoin d'argent je pense), nous ment sur la réalité du métier. Certes, comme je l'ai expliqué auparavant, la condition sociale d'Hirayama est en partie bien expliquée, mais quelqu'un qui nettoie les toilettes, ce qui qualifie sa position sociale basse et qui fait que personne n'a envie de faire ça, c'est que c'est quelqu'un qui nettoie la merde. Or la merde on ne la verra jamais dans le film. Bien que n'étant pas scatophile, je comprends pas comment on peut faire un film sur un mec qui nettoie des toilettes, en dépeignant des toilettes d'un blanc immaculé. En fait on nous met en scène la vie d'un nettoyeur de toilettes qui nettoie des toilettes déjà quasiment propres. C'est problématique pour un film qui semble se vouloir un tant soi peu réaliste et sociologique. Bien sûr qu'on a tendance à considérer que montrer directement une crotte dans des toilettes n'est pas envisageable et que je n'attends pas forcément de Wim Wenders qu'il révolutionne les codes sociaux. Néanmoins on pourrait imaginer une alternative "acceptable" comme une lingette qui passe du blanc au brun, même filmée de loin si ça peut rassurer les gens. Cette incohérence est d'ailleurs, bizarrement, soulignée dans un dialogue, écrit par Wim Wenders lui-même, puisqu'il est aussi le scénariste du film. Takashi (Tokio Emoto), le salarié d'Hirayama, dit à un moment donné qu'il déteste le service du matin parce qu'il y a du vomi partout. Mais où est-il ce vomi? #pipi caca vomi gate
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Créée
le 8 déc. 2023
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